Oui, j’entends déjà les ricanements sarcastiques de mes amis. Macron-Trump c’est pareil ? N’importe quoi. Et tu verras Macron-the-Bubble disparaîtra avant le second tour comme toutes les bulles centristes échouées dans les poubelles de l’histoire de France.
Alors je vais sortir ces choses parfois enfouies sous les polémiques: Facts and Figures, disent les journalistes anglo-saxons. Qui a élu Donald Trump ? Vu d'ici on a dit que Trump avait gagné en mobilisant l'homme blanc américain raciste réactionnaire. «L'homme blanc en colère» comme l'a expliqué Bill Clinton après la défaite de sa femme. En face, dans le camp d'Hillary, il y aurait eu les femmes (bien sûr), les noirs, les hispaniques et les hommes pas en colère...
Les analyses des votes montrent une réalité plus complexe que les méchants contre les bons, my dear Bill. A part «l'homme blanc en colère», certes, d'autres Américains ont voté pour Trump même s'ils n'étaient pas d'accord avec lui, même s'ils étaient choqués par les horreurs qu'il éructait sur les femmes, les étrangers etc. Une majorité d'Américains a ainsi déclaré, dans les sondages, désapprouver les positions de Trump sur les femmes. Une majorité d'Américains (50 % contre 45%) pense toujours que les immigrants illégaux devraient avoir la possibilité d'être régularisés plutôt qu'expulsés, comme l'annonce Trump.
Donald Trump et Hillary Clinton lors du dernier débat de la présidentielle, où Hillary était donnée gagnante... Photo Robyn Beck / AFP
Et surtout un électeur sur cinq - soit 25 millions d’Américains - a dit qu’il n’aimait ni Trump ni Clinton. Ni leurs idées, ni leurs programmes.
Cela vous fait penser à une autre campagne électorale ?
Et qu’a fait cet «électeur sur cinq» ? Et bien il a voté pour Trump, beaucoup plus que pour Clinton (autrement elle aurait été élue), même s’il n’était pas d’accord sur tout. Parce que Trump était nouveau. Ces Américains ont voté, disent-ils, contre le statu quo.
Si on regarde les élections américaines précédentes on voit qu'il y a huit ans Obama avait été élu (battant déjà Hillary Clinton aux primaires), parce qu'il était nouveau dans le paysage politique. Pas seulement parce qu'il était noir, mais parce qu'il avait un message d'espoir : «Yes we can.» En 2008 une majorité de blancs avait voté pour lui, et les jeunes, les minorités, les femmes. Une majorité que Hillary Clinton n'a pas récupérée, en 2016 elle a perdu des votes blancs, elle n'a pas cartonné comme Obama chez les jeunes et les noirs, et les femmes ne se sont pas mobilisées pour elle contrairement à ce qu'on attendait . Si on veut savoir pourquoi, je vais citer l'actrice Susan Sarandon qui a été très claire: «Je ne vote pas avec mon vagin.»
Et le rapport avec Emmanuel Macron ?
Les analystes disent que la bulle est une bulle : pas de programme, pas de parti, et en France aucun centriste ou candidat indépendant n’a jamais gagné une présidentielle. Bref zéro chance. Même s’il est le chouchou des Français (bof, les sondages ...) . Même si les Français, dans un grand nettoyage d’automne, ont jeté les têtes du passé. Sarkozy, Juppé, Hollande hors jeu. Marine Le Pen en baisse, François Fillon qui dérape, la gauche en miettes. A part Mélenchon vedette branchée numérique (virtuelle ?), les anciens sentent le sapin.
On peut donc imaginer un phénomène à l’américaine, où les électeurs n’aiment pas les candidats ou leur programme ou se foutent du programme mais vont voter ... contre le statu quo. Pour une nouvelle tête. Le jeune Emmanuel Macron. Et nous, on a la chance que notre «new face» à nous n’ait pas une tête de balai-brosse oxygéné dégoulinant de haine. Good news.