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Blog «Annette sur le net»

Yes, we cry !

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Barack Obama a fait ses adieux à la Maison blanche en direct de sa ville de Chicago: "Yes, we can." "Yes we did.""Yes we cry ...
A la fin Obama a craqué quand il a parlé de sa femme, de sa fille, de son vice-président Joe Biden. Il avait prévu le mouchoir. Photo Lott AFP/Getty Images
publié le 11 janvier 2017 à 18h20
(mis à jour le 11 janvier 2017 à 19h22)

Yes, j’y étais. Il y a plus de huit ans, le 4 novembre 2008. J’ai eu la chance d’être à Harlem ce soir-là pour un reportage historique quand l’image du vainqueur s’est affichée sur les écrans géants. Et tout le monde s’est mis à pleurer. Moi aussi quand des vieilles dames noires à côté de moi sanglotaient en regrettant que leurs ancêtres esclaves ne soient pas là pour voir un noir devenir président des Etats-Unis.

Alors dans la nuit du 10 janvier 2016 j’ai allumé ma télé à 3 heures du matin pour voir encore une fois en direct Barack Obama faire son dernier discours d’adieu à la présidence. A Chicago, sa ville où tout avait commencé, d’où il était parti pour l’ascension à la Maison blanche, il a fait, comme toujours, un magnifique discours dans son anglais littéraire, développant sa vision inspirée de l’Amérique, devant une foule enthousiaste et émue.

Barack Obama embrasse sa femme, Michelle, devant sa fille Malia, alors qu’il vient de prononcer son dernier discours en tant que président des Etats-Unis, à Chicago, le 10 janvier. Photo Nicholas Kamm / AFP

«Yes we can» avait-il dit il y a huit ans, oui, nous le pouvons. Et aujourd'hui, bien sûr, il a terminé par «Yes we did.» On l'a fait. Content de son bilan, d'avoir remis l'économie américaine en marche, d'avoir fait reculer le chômage (au plus bas depuis 10 ans), d'avoir fait passer son assurance santé, rétabli les relations avec Cuba, signé un accord sur le nucléaire avec l'Iran, généralisé le mariage gay, signé l'accord de Paris sur le climat et vengé les attentats du 11 septembre en assassinant Ben Laden (il dit «retiré Ben Laden et des dizaines de milliers de terroristes»).

Contant mais pas triomphant. Il sait que tout peut reculer «Deux pas en avant, un pas en arrière», du Lénine, que «la démocratie peut flancher quand nous cédons à la peur.» Il ne cesse de parler de son inquiétude, des dangers qui minent la démocratie américaine: les inégalités, le racisme, les riches toujours plus riches, la polarisation de la société et de la vie politique. Il insiste sur l’accueil et l’intégration des étrangers, il rejette le racisme contre les musulmans, parle de la peur du changement, de la peur de ceux qui ne vous ressemblent pas, de l’intolérance, de l’erreur de croire que l’épée, le fusil, la bombe ou la propagande peuvent jouer les arbitres ultimes. L’envers du discours de Trump évidemment.

Il passe par-dessus la tête du nouveau président pour appeler les citoyens à se mobiliser, à défendre cette démocratie américaine, «notre liberté de chercher à réaliser nos rêves individuels, à travailler ensemble pour un bien supérieur.»

Est-il conscient d'avoir échoué en politique internationale ? Peut-être. Il reste sobre et discret sur les affaires du monde, préférant parler d'Omaha Beach en 1944 plutôt que de la Syrie aujourd'hui… Certes on peut décrypter les messages quand il parle du «choix de la république sur la tyrannie» ou de «la bataille idéologique contre le fascisme et le terrorisme.» Au passage il nous déclare que l'«Etat islamique va être détruit.» Bon, il va falloir le croire sur parole.

Avant le grand choc culturel et politique du 20 janvier, où Obama le cool President remettra les clés de la Maison blanche à Trump l'hystérique Président, on a eu un dernier bonheur en direct. Le couple Obama et le couple Biden s'enlacent sur la scène et s'embrassent, une belle image de l'Amérique post-raciale dont rêve Barack, et comme il y a huit ans tout le monde pleure. Yes we cry ! Mais ce ne sont plus les mêmes larmes.