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Libération
Chronique «Si j'ai bien compris»

«C’est moi ou pschitt la présidence»

Il va falloir que François Fillon sorte de l’auberge avant d’entrer à l’Elysée. Mais même la droite n’a pas une entière confiance en son sens de l’orientation.
Margny-les-Compiègne, le 15 fevrier 2017. Réunion publique de François Fillon, candidat LR ( Les Républicains) à l'élection présidentielle. (Photo Albert Facelly pour Libération)
publié le 17 février 2017 à 18h37

Si j’ai bien compris, la notion de moindre mal évolue vite durant cette campagne présidentielle. Au début, c’est ce qu’était Alain Juppé pour les électeurs de gauche certains que la droite allait l’emporter. Aujourd’hui, c’est ce qu’est François Fillon pour la droite qui craint la déroute. L’enthousiasme de la primaire est tombé. S’il était loisible de changer de candidat, on en changerait, mais François Fillon assure que c’est impossible, que c’est plus fort que lui, il est obligé de se dévouer à la France, quoi que ça lui coûte (tant pis, il a mis un peu d’argent de côté au cas où). Il est prêt à promettre que, s’il est élu, il paiera l’eau et l’électricité à l’Elysée, il n’y aura aucun membre de sa famille au gouvernement, il confiera comme Donald Trump ses affaires à ses enfants qui ont désormais les compétences juridiques requises, il ne sera pas un président fictif même si son Premier ministre ne sera pas un simple collaborateur et il aura confiance dans la justice de son pays pourvu qu’elle respecte la règle de se tenir à carreau pendant un quinquennat ou deux.

Il est cependant possible, si François Fillon est élu, qu’il rencontre quelques difficultés à gouverner. Ceux dont il aura su récolter les suffrages auront peut-être voté pour lui avec l’espoir d’avoir un président à qui on peut dire «oh oh camembert», qui devra en d’autres termes être un peu coulant concernant son programme sous peine de voir rappelées en permanence certaines affaires qui se mangent également froides, quoi qu’il prétende dans la chaleur du combat électoral. Déjà qu’on n’était pas optimiste pour le destin de notre cher et vieux pays, mais on imagine François Fillon à la photo du G7, G8 ou G20 avec un boulet à la cheville.

D’un autre côté, s’il est là, c’est que le boulet en question ne l’aura pas empêché d’aller de meeting en meeting et de débat en débat sans lui faire le tort que ses prétendus amis redoutent pour lui et pour eux. Où on voit que la politique n’est pas vraiment un sport : on n’imagine pas le médaillé d’or sur le podium avec un poignard dans le dos, des entraves au pied, éreinté, portant la coupe au risque de chanceler et s’exclamant : «Je me vengerai.» Il faut s’attendre à des mesures draconiennes si François Fillon est élu. On n’aura plus le droit de travailler - nous disons bien travailler - avec sa femme, d’employer ses enfants, de gagner plein d’argent public. Assez de ces conduites d’un autre temps, d’un autre monde - et de leur cumul.

Ça fait curieux de vouloir succéder à un président prétendu normal en arguant qu’on n’est qu’un homme et qu’on s’excuse. Parce que, si François Fillon est élu, tout laisse à penser que c’est parce qu’il aura eu une femme contre lui, et pas n’importe laquelle, Marine Le Pen. De ce point de vue, il serait d’ailleurs peut-être bon de ne pas exagérer à trop ricaner du candidat Les Républicains, si on se retrouve en situation de devoir voter pour lui. D’un autre côté, ça veut à l’inverse dire que c’est maintenant ou jamais, le moment de ricaner, il y aura un entre-deux-tours puis cinq ans de présidence qui n’inciteront sans doute pas tellement à la rigolade. Si j’ai bien compris, François Fillon fait don de sa personne à la France et on risque de ne pas pouvoir échanger le cadeau de sitôt.