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Libération
8 mars

Droits des femmes : c’est la lutte infinie

Journée internationale des droits des femmesdossier
Syndicats et associations féministes appellent à la grève ce 8 mars à partir de 15 h 40, en écho aux mobilisations pour l’égalité femmes-hommes qui se multiplient dans le monde entier.
A Bruxelles en octobre 2016,contre l’interdiction de l’avortement en Pologne. (Photo Wiktor Dabkowski. AP)
publié le 7 mars 2017 à 21h16

Il y a comme un air de mai en ce 8 mars. Cette année plus que jamais, pas de flafla, pas de maquillage, de rituelles promos chez Marionnaud : les femmes réclament des droits, du pognon, du respect. «Il faut en revenir à un 8 mars de lutte. Sinon autant en faire le jour de la fête des mères…» ironise Cécile Gondard-Lalanne, coporte-parole de l’Union syndicale Solidaires. «Marre des mots, on veut des moyens et des actions», embraye Raphaëlle Rémy-Leleu, porte-parole d’Osez le féminisme. «L’égalité des salaires était le 26e engagement du candidat Hollande. Et ? Les Françaises sont toujours payées 26 % de moins que les Français», lance Fatima Benomar, porte-parole des Effronté-e-s.

Cette année, dans un élan unitaire inédit en France, 38 associations féministes, syndicats, ONG et organisations de jeunesse appellent à la mobilisation. En point d’orgue, un appel aux femmes (et aux hommes acquis à la cause) à se mettre en grève à 15 h 40 pétantes. Pourquoi 15 h 40 ? Parce que, eu égard à ce fameux fossé de 26 % entre femmes et hommes (selon les données d’Eurostat), c’est l’heure à laquelle les femmes arrêtent d’être payées chaque jour, sur la base d’une journée standard.

Autres raisons de débrayer : 80 % des salarié(e)s à temps partiel sont des femmes. Elles sont concentrées dans des métiers défavorisés socialement et financièrement, ne bénéficient pas des mêmes déroulés de carrière, se coltinent 65 % des tâches ménagères… Et 59 % des entreprises de plus de 50 salarié(e)s enfreignent la loi et n’ont ni accord ni plan d’action sur l’égalité professionnelle. Or seulement 0,1 % d’entre elles ont été sanctionnées en 2016…

«Ras la chatte»

«Nous avons déposé des préavis de grève. Nous voulons mettre le patronat face à ses responsabilités», s'échauffe Sophie Binet, dirigeante de la CGT en charge de l'égalité femmes-hommes. «Il y a aussi des inégalités dans la fonction publique, où les précaires sont essentiellement des femmes», appuie Bernadette Groison, secrétaire générale de la FSU, qui sera aussi de la grève. «Une manif qui ira de République à Opéra accompagnera cette grève. Nous passerons devant les grands magasins, où il y a une grande main-d'œuvre féminine», se réjouit Suzy Rojtman, porte-parole du Collectif national pour les droits des femmes.

«Comme les Islandaises en octobre dernier, avec cette grève, nous combattrons les inégalités salariales, mais aussi d'accès à la santé et aux droits sociaux, lance Caroline Rebhi, coprésidente du Planning familial. Notre union est importante dans un contexte politique réactionnaire en France, régressif à l'international.» Dans le viseur : Donald Trump surtout, à qui les féministes rêvent de balancer un gros «ras la chatte». Elles sont appuyées dans leur combat par une abondance de publications sur le sujet, en France comme à l'étranger.

Oui, ces dernières années, le féminisme s’est internationalisé. Et l’on peut voir 2017 comme une réminiscence de 1975, année internationale de la femme, où des mouvements féministes et des délégations venues de tous pays se réunissaient à Mexico pour débattre et échanger.

Cette année, un appel international soutenu par la Confédération syndicale internationale (qui rassemble la majorité des syndicats du monde) a été relayé dans 35 pays après plus d’une année d’intense mobilisation.

Manif après manif, le mode d’action féministe est désormais bien affûté : on lève le poing pour défendre des droits menacés, comme celui à l’IVG, on se donne rendez-vous via un hashtag Twitter, on s’habille en noir, on défile, et on constate l’efficacité stupéfiante de ces marches qui défient les fuseaux horaires.

Manifestations massives

Le 21 janvier, au lendemain de l'investiture de Donald Trump, plusieurs millions de femmes ont défilé, de Washington à Paris, de Londres à Sydney, aux cris de «Donald Trump, go away». En Argentine, au Chili, en Uruguay, le mouvement «Ni una menos» («pas une de moins») mène depuis deux ans des manifestations massives pour lutter contre les féminicides et appelle, lui aussi, à une grève le 8 mars.

A l'automne, en Pologne, le mouvement «Czarny Protest», initié pour soutenir un droit à l'avortement pourtant déjà très limité, avait débouché sur une victoire politique pour les pro-IVG. Du coup, en Irlande, «Repeal the 8th» espère en arriver au même résultat, et appelle aussi à stopper le travail tout en militant pour l'abrogation du huitième amendement de la Constitution, qui confère à l'enfant à naître les mêmes droits que la mère. Les femmes au foyer du pays sont également appelées à débrayer, sachant que la très sexiste Constitution irlandaise dit également : «L'Etat s'efforcera […] à ce que les mères ne soient pas obligées, par nécessité économique, de travailler au dehors et de négliger leurs tâches à la maison.» La route est longue. Mais comme le disait Simone de Beauvoir : «La femme n'est victime d'aucune mystérieuse fatalité : il ne faut pas conclure que ses ovaires la condamnent à vivre éternellement à genoux.»