Si j'ai bien compris, Emmanuel Macron a mis tout le monde d'accord. C'est la plus totale zizanie chez Les Républicains et au Parti socialiste, les opinions divergent du tout au tout sur tout, et tous ces désaccords mis bout à bout ont produit 66 % des suffrages pour le président élu. Mais ça n'a pas suffi de choisir un homme, maintenant il faut choisir son camp. Comme si la présidentielle avait été neutralisée. Il s'agit désormais de décider si on va passer dans le camp des contents, des vainqueurs, ou rester dans sa famille mécontente d'avoir pris une claque, dans l'espoir qu'en tendant l'autre joue on reçoive des baisers par milliers. Tous ceux qui restaient sur la rive en humant la tendance vont devoir se jeter à l'eau - ou pas. La situation est paradoxalement d'autant plus délicate que, à en juger par leurs programmes, il semble que les socialistes et Les Républicains mettent désormais du Macron dans leur vin. Pour mieux faire perdre les législatives à Emmanuel Macron, ils ont décidé de se recentrer sur lui et son programme. «En voilà un qui a l'air de savoir y faire.» Tous ces malabars, ces fiers-à-bras qui ont montré leurs muscles sur les estrades médiatiques depuis des mois, ça doit leur faire bizarre de voir un pied tendre, un gringalet venu on ne sait d'où brandir la couronne de lauriers. Tous ceux-là, les vaincus, n'ont plus qu'à crier comme dans Astérix, fous de rage : «Il était pas frais, mon programme ?»
Il y a quelque chose d’angoissant à penser qu’on n’a pas avancé d’un pas, qu’il y a toujours de nouvelles cartes à piocher et qu’on ne sait pas si on aura assez de jetons pour continuer à jouer. Maintenant qu’on a un Président, on était en droit d’estimer que la question était réglée. Mais le grand tacticien que devient, à la longue, à force de votes utiles, l’électeur français, a encore le sort du pays entre ses mains. Lui donnera-t-on le pouvoir, à ce Président, ou préfère-t-on une macédoine de pouvoirs ? On va moins se moquer des petits candidats maintenant qu’on a de petits partis. Et tous ces gens ambitionnant un destin national qui vont devoir remettre les mains dans l’appareil de leur camp. Mais il n’y a pas de mauvais moment pour devenir macroniste et on ne peut exclure que certains, élus en dehors du parti du Président, sachent, si besoin est, s’adapter à la nouvelle saison. Il faut choisir en fonction d’un rapport de force qu’on ne connaît pas encore, puisque ce seront les législatives qui le fixeront. On peut espérer une hausse de ses propres forces dans cet avenir mais peut-être aussi que c’est le bon moment de vendre. Certains, le pantalon sur les chevilles, ne sont pas tout à fait sûrs de leur poids et préfèrent éviter la pesée démocratique.
En tout cas, cette succession de votes, des primaires jusqu’à maintenant, c’est surtout le triomphe de l’électeur dont la sagacité n’a pas cessé d’être sollicitée et qui a fait des rois à la pelle, éliminant avec la même générosité les maillons faibles, heureux de mettre son grain de sel dans les rouages. Mais il y a aussi le risque que ce soit une course de haies et que l’électeur à bout de souffle, qui ne s’en doutait pas, se prenne les pieds dans la dernière ligne droite. Faut se méfier de l’électeur en surrégime, ça peut vous péter une durite. Et s’il voulait faire une blague au Président en lui offrant Jean-Luc Mélenchon Premier ministre. Si j’ai bien compris, c’est quoi, le vote utile, maintenant que l’ouragan Marine est passé ?