L’Europe est de retour. Tant mieux! Elle seule est capable de porter un projet global de coopération entre les peuples. Face aux guerres militaires, civiles et commerciales, face au dérèglement climatique et au terrorisme, l’Europe redevient enfin une impérieuse nécessité. Une promesse que l’on doit à notre jeunesse.
Et il y a urgence à lui redonner vie quand une alliance «rouge-brun» souhaite brûler le drapeau européen. Comment imaginer la laisser sombrer dans les nostalgies régressives du nationalisme ?
Je suis conscient de la défiance que l’Europe suscite auprès de nos concitoyens. Comment leur en vouloir ? Le néolibéralisme, comme horizon, l’austérité, comme solution, et la technocratie, comme méthode, ont rendu notre union inefficace et nos institutions détestables.
L’Europe doit se transformer sur le champ. Car l’affaissement de l’Union est d’abord le bilan de dirigeants prétendument européens, de Barroso à Juncker, de Sarkozy à Hollande. Euro-fainéants, ils ont été incapables de construire un projet suscitant l’adhésion des peuples. Euro-lâches, ils ont refoulé les réfugiés survivants. Euro-comptables, ils humilient les Grecs et bien d’autres au nom d’une morale budgétaire aussi absurde que contre-productive. Ils ont laissé toutes les formes de dumping gangrener les fondements de l’unité et de la solidarité.
Le président de la République propose de sortir de l’enlisement pour passer à l’offensive. Ne nous contentons pas de discours et passons aux actes. Retroussons nos manches et attaquons-nous aux chantiers qui feront l’avenir de notre jeunesse. La sphère marchande s’est étendue au plus profond de nos vies. Notre modèle de développement provoque bouleversement climatique, destruction de la biodiversité, épuisement des ressources et explosion des maladies liées à l’environnement. Il pressure les femmes et les hommes pour concentrer toujours plus les richesses.
Au lieu de nous rapprocher et de forger un destin solidaire, cette mondialisation folle dégénère en sauve-qui-peut généralisé, en précarisations sociales, territoriales, culturelles, donc identitaires. Nous ne sommes plus souverains. En abandonnant ici les classes populaires pour les exploiter là-bas, elle produit les Brexit et les Trump.
Par son obsession du libre-échange, l'Europe expose ses citoyens aux désordres quand elle devrait les protéger. Prenons le cas du Ceta [l'accord de commerce entre l'Union européenne et le Canada, ndlr], soutenu par Emmanuel Macron. Il offre les clés de notre développement, de notre climat, de notre santé et de notre agriculture à quelques multinationales et piétine l'idée même d'une souveraineté européenne.
C’est donc en souverainiste européen que je combats ce type d’accord et ses avatars qui diluent l’essence même de notre projet commun. Face à une globalisation folle, l’Europe doit imposer un nouveau partage des richesses. Elle doit faire primer les droits humains, sociaux et environnementaux sur les intérêts du commerce et l’investissement. Défendons l’interdiction sur le marché européen des produits issus de pays ne respectant pas la liberté syndicale, la protection du climat et de la biodiversité.
Au lieu de maugréer contre une Europe qui ne tiendrait que par sa monnaie, faisons de l’euro un véritable outil démocratique. Battons-nous pour un droit à l’euro. Chacun d’entre nous doit avoir la garantie que cette monnaie restera notre monnaie. Pour ne plus jamais accepter le chantage et les menaces que nous avons infligés au peuple grec. Elever la monnaie unique au rang de droit, c’est permettre aux citoyens européens de contester les décisions du tout puissant Eurogroupe. C’est ouvrir, au côté du Parlement de la zone euro, un contre-pouvoir essentiel.
Pas de souveraineté économique non plus sans souveraineté énergétique. Car il faut en finir avec les complaisances de trop de dirigeants européens, et notamment français, vis-à-vis des dictatures corrompues de Russie et du Golfe.
La lutte contre l’emballement climatique peut réconcilier les citoyens avec l’Europe, en lui redonnant du sens et une utilité. Une Europe 100 % énergies renouvelables, ce sont des dizaines de milliers de PME et des millions d’emplois non délocalisables sur tous les territoires. Mais encore faudrait-il que la France abandonne son obsession pour le nucléaire qui lui fait rater le coche des énergies de l’avenir.
Soixante-cinq ans après la Communauté européenne du charbon et de l’acier (Ceca), la France et l’Allemagne doivent prendre l’initiative d’une «Communauté européenne de la transition énergétique» (Comete). Sa mission: développer de grands partenariats en matière de recherche énergétique, de transport, de développement industriel.
Car il faut investir pour relancer l’économie européenne sur de nouvelles bases. La Banque centrale européenne (BCE) rachète chaque mois pour 60 milliards d’euros de dettes publiques sur le marché secondaire pour un effet plus que médiocre sur le financement de l’activité réelle.
Finissons-en avec cette politique absurde, sanctuarisons la moitié de ces financements et proposons un new deal qui devra investir dans la transition énergétique, le numérique et la santé, soit autant de projets utiles pour le bien-être de nos concitoyens. Investissons pour l'avenir de nos enfants et pour un projet commun plutôt que dans l'austérité. Il est urgent d'agir. Car un nouveau renoncement français nous condamnerait à subir les dérèglements du monde et à plonger dans les pires régressions. L'Europe d'aujourd'hui est une maison vide. A nous de nous réapproprier cet espace démocratique imparfait pour lui redonner l'ambition et l'énergie d'un grand projet de civilisation.