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Les Afroptimistes

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Questions à... Jean-Lémon Koné, président de l'AEPU et étudiant de Master d'histoire transnationale à l'École normale supérieure et à l'École nationale des chartes, et Idriss Diakhaté, secrétaire général de l'AEPU et étudiant en Master de Lettres à l'Université Paris X-Nanterre.
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publié le 17 octobre 2017 à 23h57
(mis à jour le 18 octobre 2017 à 8h46)

Qu’est ce que l’AEPU – Les Afroptimistes?

- Jean-Lémon Koné

L'AEPU – Les Afroptimistes est une association fondée à l'initiative d'une dizaine de jeunes étudiants, enseignants et chercheurs d'origines et d'horizons intellectuels variés. Nous travaillons à promouvoir les études africaines dans l'enseignement supérieur français par l'organisation de colloques, d'événements culturels et la publication de textes amateurs sur notre plateforme www.aepu-lesafroptimistes.com.

Nous avons constaté qu'un renouvellement des façons de penser les Afriques est en cours sous l'impulsion d'intellectuels des diasporas africaines: entre autres Elikia M'Bokolo avec l'émission de radio « Mémoire d'un continent » sur RFI, Alain Mabanckou avec ses cours à la chaire de création artistique du Collège de France en 2015-2016, Achille Mbembe et Felwine Sarr avec la première édition des ateliers de la pensée à Dakar en octobre 2016 etc. Cependant sur le terrain, leurs efforts sont encore insuffisamment relayés dans l'enseignement et l'enseignement supérieur. L'expression de la recherche sur les Afriques reste souvent confidentielle et cantonnée au monde des chercheurs. En dehors de l'étude du fait colonial, les Afriques sont absentes des programmes scolaires. Enfin, l'accueil des universitaires africains en France est insuffisant et compliqué par des « tracasseries administratives »[1].

Pour prolonger leurs efforts à notre niveau, nous nous donnons pour objectifs de faire l’interface:

entre recherche universitaire, coopération internationale et arts. Croiser les regards doit permettre d'appréhender des thématiques dans leur globalité en s'adressant à un public non exclusivement composé de spécialistes ;

entre les générations d'africanistes, car nous voyons dans la collaboration avec nos aînés la garantie d'une exigence scientifique des contenus ;

entre les continents, en veillant particulièrement à inviter des intervenants de l'étranger aux colloques et en plaçant la relation planétaire de l'Afrique au cœur de nos préoccupations.

Comment la génération étudiante à laquelle vous appartenez définit l’afro-optimisme en 2017 ?

- Idriss Diakhate

En général, l’afro-optimisme est perçu comme un concept séduisant mais difficile à cerner. Longtemps associé aux engagements de Lionel Zinsou, le mot désigne en gros le faisceau de convictions selon lesquelles le libéralisme doit mener le continent à plus de développement.

Nous parlons d’une autre nature d’afro-optimisme. Notre afro-optimisme repose sur des valeurs de mixité, d’exigence scientifique et d’espoir dans le continent africain.

Mixité, car notre équipe est composée d’Africains, d’afrodescendants, mais aussi d’Arméniens, de Colombiens, d’Avignonnais et même d’une Lorraine ! Ensemble, nous voulons penser les Afriques d’où nous sommes.

Exigence scientifique, car ce qui nous rassemble, c’est notre intérêt pour les humanités et les sciences sociales. Nous apprenons de nos aînés et avec eux.

Espoir dans le continent, car nous savons combien il regorge de jeunes énergies intellectuelles, scientifiques et entrepreneuriales. Nous nous devons de faire connaître ces énergies dans les universités et les grandes écoles françaises. Surtout nous voulons sensibiliser nos promotionnaires aux questions vives du continent et à la communauté de sort qui nous lie aux jeunes universitaires africains.

Que représentent les ateliers de la pensée de Dakar ?

- Jean-Lémon Koné

À nos yeux, l’édition 2016 des ateliers de la pensée à Dakar est à la fois un modèle inspirant et un révélateur de l’état mondial des études africaines en langue française.

Les Ateliers 2016 ne sont pas la première initiative visant à renouveler le regard sur les Afriques. Outre le festival mondial des arts nègres (1966), à Dakar déjà en 1972 l’association des historiens africains avec Joseph Ki-Zerbo avait écrit collégialement une autre histoire et imaginé l’avenir des Afriques. De même, les ateliers du panafricanisme dans les années 2000 se sont attachés à produire une pensée politique du continent.

La valeur ajoutée des ateliers de la pensée est d’actualiser les avancées récentes des sciences sociales sur les questions africaines, de mettre en réseau les jeunes générations de chercheurs et d’ouvrir les études africaines aux thématiques de postcolonie, de relation planétaire de l’Afrique et d’afrodescendance.

Nous suivons de près cette belle initiative et rêvons qu’elle élargisse son horizon. Géographiquement, les ateliers doivent s’ouvrir à d’autres lieux que Dakar, car Dakar n’est pas toute l’Afrique. D’autres villes comme Abidjan, Brazzaville, Arusha, Johannesbourg etc. sont autant de plateformes intellectuelles africaines en puissance qui méritent de trouver encrage. Culturellement aussi, les Afriques non francophones gagneraient à être intégrées aux débats. Quid des travaux en langue anglaise ? Quid des Afriques lusophones ?


[1] Voir GIS Études africaines en France, Livre blanc. Les Études africaines en France, un état des lieux, 2016, Paris, pp. 5-12.

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