Le Japon face au casse-tête de sa natalité en
chute libre ? Voici des décennies que la population n’est pas renouvelée.
126 millions d’habitants aujourd’hui, moins de 100 millions dans trente ans. Et
dans le même temps, le pays vieillit à toute vitesse. Comment fait le Japon qui
n’accepte pas culturellement l’immigration étrangère ?
Là où la main d’œuvre manque, le pays
emploie plus de 200 000 salariés originaires des régions pauvres d’Asie. Non
qualifiés, ils sont considérés comme des « stagiaires techniques ».
Des agences de recrutement les attirent en promettant une formation pour
revenir au pays natal qu’ils aideront à leur tour. Une belle histoire tourne mal :
comme en Libye, on les rackette (cela peut monter jusqu’à 8 000 €). Le
journaliste indépendant à Asialyst, Yuta Yagishita, a enquêté : on leur assure que la dette
sera remboursée durant les trois ans du stage.
Appelons-le Arvin Tuaño, jeune philippin
assez doué à l'école, mis en contact avec le Japon par une agence qui lui
trouve un stage de mécanique à Tokyo. Dans la petite entreprise où il est
embauché comme « stagiaire » pour un salaire oscillant entre 450 et
900 € par mois, on le cantonne à des tâches physiques. Sans crier gare, il est
l'objet de vexations, violences physiques. Yuta Yagishita cite le cas d'un
Viêtnamien se plaignant de son sort sur les réseaux sociaux et reconduit
manu militari à l'aéroport pour être
expulsé dans son pays d'origine.
Combien sont-ils parmi ceux qui travaillent
dans le bâtiment, l’agriculture, le textile, l’automobile ? Nul ne sait tout comme en Europe, et particulièrement en France,
dans l’hôtellerie-restauration, le bâtiment et travaux publics où les
conditions sont plus dissimulées. La face sombre d’une mondialisation du
travail entre un Sud surpeuplé et un Nord qui manque de main d’œuvre.
Au Japon, les entreprises débusquées par Yuta
Yagishita invoquent la concurrence internationale et la pénurie d’employés locaux
à des tâches peu gratifiantes : c’est une « politique d’immigration déguisée, source d’esclavage moderne »
pour Ippei Torii, de Solidarity Network with Migrants Japan. Les jeunes
migrants empruntent l’argent de leur servitude à des agences locales qui sont
en cheville avec le Japon. « Les
stagiaires n’ont pas le droit de changer d’entreprise et pour rembourser la
dette, ils ne peuvent qu’attendre la fin du stage » s’indigne Torii
face au journaliste. Shiro Saaki, du syndicat Zentoitsu renchérit : « La menace de renvoi est un moyen souvent
employé pour faire peur aux stagiaires ».
Le ministère de la justice japonais tente une
loi alors que Shoichi Ibuski, cité par Yagishita, milite pour l’abolition de ce
système inique. Sous le prétexte d’« améliorer
la protection des stagiaires », la durée de la formation est tout
bonnement allongée à cinq ans et ouverte au secteur très consommateur d’emplois :
la santé. Comment régler sans crier gare la question de l’immigration, un sujet
hautement inflammable au Japon ? Comme les pétromonarchies du Golfe qui
répugnent à intégrer les migrants au prétexte qu’ils seraient mal adaptés et se
tourneraient vers la délinquance, le Japon considère les migrants comme un mal
nécessaire. Voire une menace. Un des éléments du gaijin complexe, sorte de malaise des Japonais face aux étrangers.
Il serait temps de confier le dossier à l’Organisation internationale du travail (OIT) et à la Cour pénale internationale de La Haye.