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Libération

Demain, on vaccine gratis

Bientôt, tout ira pour le mieux grâce aux meilleurs remèdes. Il n’y a qu’à tendre les fesses.
publié le 5 janvier 2018 à 17h26

Si j’ai bien compris, on a beau prétendre qu’on est vacciné contre ceci et cela, on a beau fourguer à nos nouveau-nés onze vaccins obligatoires, l’expérience montre qu’on n’est pas à l’abri pour autant. Il n’est pas né, le Pasteur du chômage, de la pauvreté et de l’insécurité. On a bien des antidépresseurs comme vaccins antimorosité, mais il faut de trop nombreux rappels, c’est l’addiction au vaccin. Le terrorisme, il y a des gens qui ont l’espoir de l’éradiquer un jour, mais le malheur, la connerie, la malchance, on reste démunis face à eux. Et que dire de la spéculation, la corruption, l’optimisation fiscale ? L’argent, à côté de ses excellents côtés (ce n’est pas comme la diphtérie), en a de moins salutaires. D’un autre côté, s’il fallait vacciner le nourrisson contre tout ça, il se transformerait vite en hérisson, planté d’aiguilles. Et puis la rage, on a inventé le vaccin et pourtant ce n’est pas ce qui manque. Peut-être qu’un jour, avec l’intelligence artificielle, on aura le vaccin final, total, complet, le vaccin suprême, le vaccin 2.0.

A la fois, nos gouvernants les ont cherchés, les vaccins en question. On en a testé, des molécules. On a été les cobayes du vaccin contre le chômage et les placebos sont tombés comme à Gravelotte, sans compter l’antidette qui est le plus douloureux, ça fait mal aux fesses, et les effets secondaires, on se les est tapés. Le docteur Macron et son labo de choc - on l’imagine très bien dans une publicité avec sa blouse blanche et sa seringue brandie à bout de bras pour nous promettre un prompt rétablissement dans deux ans, si jamais on tient le coup sans arrêt de travail - nous annoncent un nouvel élixir. La pharmacopée est en marche, seulement il ne faudrait pas qu’on nous fasse avaler des vessies pour des pilules. La pauvreté, on a l’impression qu’elle va être traitée comme une allergie - à la réussite, à la richesse, à l’amour. La corruption et l’optimisation fiscale, il va falloir s’en débarrasser comme d’un eczéma, à passer et repasser la pommade aux grands groupes. C’est un lieu commun qu’on a toujours vu la courbe du chômage comme une courbe de température, alors pourquoi ne pas en profiter : et si on était tout simplement malade, au lieu d’être nul ? Et si on cassait le thermomètre avec l’eau du bain ? On a l’impression qu’il y a de bons remèdes mais qu’ils ne sont pas accessibles à tout le monde. Le problème, c’est la répartition du bon vaccin, celui qui n’a pas d’odeur.

Il n’empêche que c’est au niveau mondial que la température a l’air d’être montée. Le chirurgien en chef qui passe les gants (pour ne pas laisser d’empreintes digitales) avant d’entrer en salle d’opération, on le reconnaît à une mèche familière. Le président des Etats-Unis brandit son bistouri en vaccino-sceptique qu’il a toujours été et recommande l’amputation partout. Il veut travailler tout seul, il n’a pas besoin de diplomates ou d’anesthésistes - c’est pour les lâches. Il y en a qui vont connaître leur douleur et c’est ce qu’il souhaite. A son idée, les vaccins, c’est pour les femmelettes. La vie, ce n’est pas une pilule, aussi amère que ce puisse être. Et c’est difficile d’avoir un vaccin contre le leader du monde libre de faire absolument ce qu’il veut. Si j’ai bien compris, il faudrait lui prescrire un peu plus de plein air, de repos, de golf - un peu plus de lecture et un peu moins de télévision.