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Libération
Lettre ouverte

Pour la relance des Etats généraux de la culture

Face à la décentralisation culturelle, à la baisse drastique de subventions auprès de l'ensemble des collectivités, près de 200 personnalités appellent à une refondation des politiques publiques de l'art et de la culture.
A Montpellier, le 22 juin 2014, 300 intermittents en grève bloquent la scène du théâtre de l'Agora. (Photo Nanda Gonzague)
par Un groupe de personnalités de la culture, de la culture
publié le 17 janvier 2018 à 16h09

Les Etats généraux de la culture ont 30 ans. Particulièrement inquiets du sens et du rôle attribués aux arts et à la culture dans la société française, auteurs et autrices de cette lettre, avons choisi de nous placer volontairement dans la lignée de cette belle et grande aventure humaine initiée en 1987 par Jack Ralite (1). De creuser ce singulier sillon…

Jour après jour, disparaît sur chacun de nos territoires, l’ambition d’une politique artistique et culturelle agissante. La grande majorité de ceux qui, par contrat républicain, gèrent la cité, a semble-t-il, omis, par manque de temps, d’intérêt ou tout simplement par faiblesse, de repenser la place des arts et de la culture comme essentielle au développement de l’esprit humain.

Aujourd’hui, nous voilà face à une réorganisation titanesque de l’administration territoriale, à la naissance de nouvelles métropoles, à l’émergence de treize nouvelles grandes régions. L’ensemble des collectivités sont quant à elles, condamnées successivement à des baisses drastiques de dotation globales de fonctionnement puis à des limitations de dépenses à travers de nouveaux pactes et n’arrivent plus à garantir le soutien de proximité indispensable aux équipes artistiques, aux lieux culturels, à la diversité de la création, à son ambition et la transmission des valeurs au plus grand nombre.

Notre responsabilité est grande : nous ne pouvons pas laisser se construire sous nos yeux une République laïque basée soi-disant sur les trois piliers «Liberté - Egalité - Fraternité» qui ne prendrait pas en considération la nécessité de soutenir la vitalité de tous les arts (théâtre, musique, chanson, danse, cirque, arts plastiques et arts numériques, graphisme, architecture, photographie, littérature et poésie, création audiovisuelle et cinématographique) et qui oublierait de réactiver les sillons de la culture, source indispensable à la transmission de ces nobles valeurs.

Nous ne sommes pas disposés à laisser les logiques marchandes et mercantiles envahir le monde de l'art et de la culture et prendre progressivement le pas sur le service public de la culture sans agir. Nous ne souhaitons pas laisser aux seuls gestionnaires le pouvoir de décider seuls de l'avenir de tous. Nous ne pouvons plus attendre, dans «l'attitude stérile du spectateur» (2), sans mot dire et sans agir, la fatale issue de notre silence. Il signe un péril majeur pour les arts et la culture, l'ensemble de ses professionnels et de ses publics.

A l’aune d’un «acte 2 de la décentralisation culturelle» qui doit redessiner les cadres d’intervention entre l’Etat et l’ensemble des collectivités, il nous paraît nécessaire, comme le disait déjà André Malraux, de reconquérir nous-mêmes nos libertés et d’agir. Par cette lettre, nous, artistes, femmes et hommes amoureux des arts et de la culture, élues et élus, citoyennes et citoyens actifs appelons à la relance des Etats généraux de la culture de janvier 2018 à janvier 2020.

Ces deux années, nous sont nécessaires pour collecter des retours d’expériences sur la base de diagnostics, d’études, à l’occasion d’une série de temps forts en région(s), par le biais de rencontres, d’interviews et également de contributions sur une plateforme internet dédiée. Cette démarche s’élaborera patiemment avec l’apport de chacune et chacun d’entre vous, de par son expérience, son expertise, ses points de vue et sentiments, ses passions…

Elle est ouverte aux équipes et aux structures culturelles, aux créateurs de toutes les disciplines artistiques, aux autrices et auteurs, aux syndicats, aux chercheuses et chercheurs, aux éducatrices et éducateurs, et, plus largement, à toutes celles et ceux qui représentent la population dans toute sa diversité.

Elle a pour objectif de produire un livre blanc, source de propositions vivifiantes et actives afin de permettre la refondation des politiques publiques en matière d'art et de culture. Cet espace de discussions et d'échanges, in vivo et in vitro, nous l'ouvrons aujourd'hui parce que nous continuons de croire qu'un peuple dans une démocratie bien portante a simplement besoin de prendre son destin en main. «Chaque femme, chaque homme, doit être elle-même, lui-même au centre de son devenir», écrivait Jack Ralite.

Informations sur les premières rencontres organisées en région(s) et la liste complète des 200 signataires: observatoire.citoyens.culture@gmail.com
https://observatoirecitoye.wixsite.com/monsite

(1) Jack Ralite, ministre, sénateur, député et maire d'Aubervilliers nous a quittés le 12 novembre dernier. Il était au courant de notre initiative et s'en réjouissait.

(2) Selon un vers d'Aimé Césaire.

Parmi les signataires : Barbara Bouley, dramaturge et metteuse en scène ; Jacques-Philippe Michel, directeur de production ; Juliette Mant, maire-adjointe à la Culture à Arcueil; Robin Renucci, directeur du Centre dramatique national les Tréteaux de France ; Jacques Bonnaffé, acteur et metteur en scène ; Meriem Derkaoui, vice-présidente en charge de la culture, des archives et du patrimoine du conseil départemental de Seine Saint Denis - Maire d'Aubervilliers ;  Pascal Ralite, réalisateur ; Simon Delétang, directeur du théâtre du Peuple de Bussang ; Jean-François Sivadier, metteur en scène ; Abderrahmane Sissako, cinéaste et producteur ; Robert Guédiguian, réalisateur, producteur et scénariste ; Julie Brochen, metteuse en scène ; Anne Alvaro, comédienne ; Thierry Pariente, directeur de l'ENSATT de Lyon ; Jean Bellorini, directeur du TGP Saint-Denis ; Déborah Munzer, maire-adjointe en charge de la culture de Nogent-sur-Marne ; Frédéric Hocquard, maire-adjoint en charge de la vie nocturne et de l'économie culturelle à Paris ; Jérome Impellizzieri, directeur des Affaires culturelles d'Alfortville ; Samuel Churin, comédien, Aurélie Filippetti,  ancienne ministre de la Culture ; Claudine Galéa, autrice ;  Clémentine Autain, députée de Seine-Saint-Denis ; Kent, auteur, compositeur, interprète, illustrateur ; Carole Thibaut, autrice, metteuse en scène, actrice, directrice du Centre dramatique national de Montluçon ; Rachid Khimoune, peintre-plasticien ; Clarika, auteure interprète compositrice; Rachid Khimoune, peintre-plasticien ; Marie Vitez,comédienne, marionnettiste; Mathieu Bourgasser, président de MON FILM ; Jean Boillot, metteur en scéne, directeur du NEST, CDN de Thionville,; Jean-Claude Berutti, metteur en scéne; Michel Dufour, ancien ministre; Fejria Déliba, réalisatrice; Denis Tallédec, directeur de barbares, fédération nationale des cafés cultures)…