Dans une langue de bois dont la mauvaise foi n'a d'égale que la condescendance, Mme Plane me fait la leçon sur le passé simple, en m'accusant de relayer de fausses informations dans ma chronique parue samedi 6 janvier. Cependant :
- La suppression de l'accent circonflexe sur certains mots et formes verbales a bien été publiée au Bulletin officiel en 2015 et ces rectifications orthographiques sont applicables, sinon appliquées par tous les enseignants, depuis la rentrée scolaire 2016. Mme Plane prétend me rassurer sur le maintien de l'accent circonflexe au subjonctif et au passé simple, mais je n'ai jamais dit le contraire.
- Etant moi-même, n'en déplaise à Mme Plane, très attachée aux sources, j'ai sous les yeux les Remarques sur la langue française (1647) du grammairien Claude Favre de Vaugelas (1585-1650). Celui-ci énonce les différentes façons de conjuguer le verbe «vivre», sur lesquelles, dit-il, personne ne s'entend, certains soutenant qu'on peut écrire «il vesquit» ou «il vescut», d'autres qu'on peut écrire «vous vescutes» mais pas «vous vesquistes» Vaugelas conclut : «Tant y a que la diversité des opinions est si grande sur le sujet que quelques-uns n'ont point pris d'autre party que d'éviter tant qu'il se peut ce prétérit et de se tenir de l'autre que les Grammairiens appellent indefiny ou composé, j'ay vescu.» Quand Mme Plane dit que Vaugelas traite ici de l'orthographe, pas de l'emploi de ces temps, elle joue sur les mots : n'est-ce pas en effet l'orthographe incertaine de la conjugaison qui incite à l'emploi d'un autre temps?
- Enfin, ma chronique relayait l'information selon laquelle les nouveaux programmes prévoyaient de ne plus enseigner le passé simple qu'à la 3e personne. Mme Plane le confirme elle-même : il s'agit de «faire apprendre par cœur les formes de base que sont les 3es personnes», écrit-elle. Quant à ajouter qu'à partir de la 3e personne, «on peut identifier ou fabriquer toutes les autres formes», cela ressemble surtout à un vœu pieux. Pour écrire cette chronique, j'ai interrogé des enseignants. Ceux du primaire m'ont confirmé qu'ils ont pour instructions de ne plus enseigner la conjugaison complète du passé simple. Soit. Mais ceux du collège ont également reçu de l'inspection académique la consigne de ne pas faire apprendre les 1ere et 2e personnes du passé simple avant la classe de 4e. Or, je doute qu'à l'âge de 14 ans, un élève se prête de bonne grâce à ce nouvel apprentissage. Et s'il ne sait ni les utiliser ni les identifier clairement dans un texte, dès qu'il les rencontrera dans un roman, n'aura-t-il pas tendance à abandonner sa lecture? Cette chronique ne visait donc pas à préserver un patrimoine «souchien» (quel argument indigne, Mme Plane!), mais manifestait une inquiétude quant à l'avenir de la littérature - celle qu'on lit et celle qu'on écrit. Ce n'est sans doute pas le souci majeur de Mme Plane, mais c'est le mien.