Les enquêtes réalisées en France depuis plus de vingt ans par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes) et l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) offrent une mesure des niveaux de diffusion et d’usage des produits psychoactifs. Conduites auprès de l’ensemble de la population ou des tranches d’âge plus jeunes, elles permettent de décrire ces comportements dans leur diversité (expérimentation, usage actuel, usage régulier et quotidien…) et d’évaluer les liens avec certaines caractéristiques des consommateurs (âge, sexe, etc.). Leur répétition régulière dans le temps en fait surtout un instrument de suivi des comportements de consommation des différentes substances psychoactives.
Des manifestants réclamait la légalisation du cannabis en France, le 29 avril, à Paris. ¨Photo : Alain Jocard/AFP
Alcool et tabac en première ligne
Les substances licites, alcool et tabac, demeurent les produits les plus consommés dans la population (nous y reviendrons), que ce soit en termes d’expérimentation ou d’usage quotidien. Le tabac s’avère moins expérimenté que l’alcool (38,2 millions vs 46,9 millions de personnes), mais nettement plus souvent consommé quotidiennement (13,3 millions vs 4,6 millions de personnes). Pourtant, quand on y pense, le tabac est la plus mauvaise drogue.
Parmi les drogues illicites, le cannabis reste de très loin la substance qui prédomine, avec 17,0 millions de personnes à l’avoir déjà essayé. Son usage régulier (au moins 10 fois par mois) concerne près de 1,5 million de personnes en France. Alors que les consommateurs de cannabis bientôt sanctionnés par une amende. La consommation de cocaïne, deuxième produit illicite le plus consommé, se situe bien en deçà et concerne, à fréquence d’usage équivalente, environ dix fois moins de personnes, que ce soit en termes d’expérimentation ou d’usage dans l’année. Parmi les personnes âgées de 18 à 64 ans, les niveaux d’expérimentation apparaissent très différents selon le sexe et l’âge. Pour tous les produits, les hommes se révèlent plus expérimentateurs que les femmes. L’expérimentation de substances illicites est la plus importante parmi les plus jeunes puis diminue globalement à l’approche de la quarantaine, soulignant ainsi des différences entre générations.
Cannabis
En 2016, l’expérimentation du cannabis concerne 42 % des adultes de 18 à 64 ans. La consommation dans l’année s’élève à 11 % (15 % pour les hommes et 7 % pour les femmes), cette proportion s’avérant stable par rapport à 2014. L’usage régulier estimé en 2014 concernait 3 % de la population. Après une période de baisse entamée en 2002 puis une stabilisation, l’expérimentation du cannabis à 17 ans est apparue nettement en hausse entre 2011 et 2014, passant de 41 % à 48 % en 2014. De même, après avoir connu une longue période de baisse, l’usage régulier remonte fortement et concerne 9 % des jeunes de 17 ans contre 6 % en 2011, les garçons plus souvent que les filles (12 % contre 6 %). En 2015, les jeunes Français âgés de 16 ans consommaient plus souvent du cannabis que les autres Européens du même âge (1re position sur 35 pays pour l’usage de cannabis au cours du mois).
Usage problématique et dépendance.
Selon le Cannabis Abuse Screening Test (CAST), outil de repérage des usages problématiques de cannabis, 21 % des usagers actuels de 18-64 ans présentent en 2014 un risque élevé d’usage problématique ou de dépendance, cette proportion étant stable par rapport à 2010. Cela représente 2 % de l’ensemble des 18-64 ans. À 17 ans, la fréquence de l’usage problématique a augmenté entre 2011 et 2014, passant de 18 % à 22 % des usagers actuels (26 % pour les garçons et 17 % pour les filles), soit une proportion de 8 % sur l’ensemble des jeunes de 17 ans contre 5 % en 2011.
Mortalité
Ce risque est multiplié par près de 15 en cas de consommation conjointe d’alcool et de cannabis. Le nombre annuel de décès à la suite d’un accident de la route imputable au cannabis est estimé, à la fin des années 2000, entre 175 et 190 décès. Une vingtaine de décès liés à la toxicité cardio-vasculaire du cannabis ont été signalés en 2014.
Saisies
Selon l’OFDT, le marché de l’herbe de cannabis en France est extrêmement dynamique, comme en atteste le niveau des saisies qui atteignent un record historique en 2016. Si celles de plants sont en baisse, elles demeurent toutefois à un niveau élevé. La quasi-totalité de la résine saisie provient du Maroc où la culture de variétés hybrides se développe, contribuant à l’élévation des teneurs en THC.
Cultures sur le territoire national
En 2010, 2 % des personnes âgées de 18 à 64 ans (80 000 personnes) ayant consommé du cannabis dans l’année avaient déclaré se procurer leur cannabis en ayant recours uniquement à l’autoculture. Par ailleurs, l’augmentation des saisies de plants depuis 2010 témoigne de l’implantation d’une cannabiculture à grande échelle incluant des plantations contrôlées notamment par des structures relevant du crime organisé. Plus récemment, sont également apparues des cultures commerciales tenues par des particuliers à la recherche de profits.
Prix et pureté
Depuis 2011, après des années de stabilité, le prix moyen du gramme de résine de cannabis payé par l’usager ne cesse de progresser. Le phénomène est similaire pour l’herbe, dont le prix au gramme a fortement augmenté depuis 2006, évolution qui semble liée à la forte hausse des taux de THC. La teneur moyenne de la résine de cannabis a triplé en dix ans pour atteindre 23 %, tandis que celle de l’herbe se stabilise à 11 %.