Elle pose en velours sombre dans un fauteuil doré de l'Hôtel de ville. Ambiance fin de règne. En gros titre : «Paris ne doit pas devenir la ville de l'entre-soi». Anne Hidalgo annonce sa candidature à sa réélection dans Libération, en tendant la main aux macronistes. Ça grince dans les couloirs de l'Hôtel de ville. Le tsunami de la présidentielle fait diablement tanguer le bateau parisien. C'est l'ambiance «sauve qui peut». En guise de main tendue, Hidalgo semble plutôt supplier le nouveau royaume macroniste de pouvoir manger dans leur main, comme tant d'autres. Elle semble, à longueur des colonnes de cette interview bienveillante, vouloir rassurer, comme pour dire : «Je suis aussi libérale que vous ! Nous sommes du même monde ! Je porterai le projet de la start-up Paris, compatible avec le projet de la start-up France, soutenez-moi…»
Dans les faits, vous pouvez la croire. Elle a déjà montré patte blanche et entend faire de Paris la capitale des premiers de cordée, le terrain de jeu des multinationales qui auront leur fête des sponsors aux JO 2024, la grande ville du tourisme, de l’innovation, des rentiers de la finance internationale. C’est une bonne élève du système. N’a-t-elle pas appliqué la loi Macron sur le travail du dimanche à son niveau maximum, à savoir 12 dimanches ouvrés supplémentaires ? N’applique-t-elle pas avec sérieux les coups de rabots d’austérité sur les budgets année après année ? Quitte à créer des sous-effectifs et une précarité croissante parmi les agents de la ville, des renoncements terriblement impopulaires au point de devoir faire des volte-face, comme après l’explosion des tarifs sur les transports pour les personnes âgées et handicapées, la tentative de suppression des colonies de vacances et des bornes de taxi ? N’a-t-elle pas poursuivi les privatisations, lancées au cours du mandat précédent, d’une partie de la collecte des déchets, de la verbalisation du stationnement ? La publicité n’a-t-elle pas amplifié son envahissement malgré le raté du marché des panneaux lumineux JCDecaux ? D’ailleurs, en plus de JCDecaux, Vinci, LVMH, Unibail et j’en passe, n’ont-ils pas considérablement augmenté leur emprise sur Paris ?
Pour certains, ce serait la victoire de Jean-Louis Missika, l’adjoint en charge de l’urbanisme et du développement économique, qui a très tôt rejoint Macron. Il est vrai que c’est lui qui porte, sous couvert de projets labellisés «réinventer Paris», la vente à la découpe d’une partie du foncier de la ville. C’est lui qui porte les projets «Paris Finances Innovation» pour faire de Paris la capitale de l’oligarchie financière après le Brexit. Mais ces projets, l’exécutif avec toutes ses composantes (PS-EELV-PCF-PRG) les a adoptés, comme tous les autres précédemment. Cette orientation avait d’ailleurs été initiée dès l’ère Delanoë.
Pour d’autres, c’est impossible. Hidalgo n’aura pas les quartiers populaires avec de telles alliances ! Les mêmes hurlaient, au lendemain des sénatoriales et du coming out d’ex-conseillers (PS) de Paris en macronie, «attention, on quitte la majorité s’il y reste des macronistes», mais n’en avaient rien fait…. Les grenouilles se sont laissées endormir dans une eau dont la température a été régulièrement rehaussée, mais n’arrivent plus à s’éjecter de la casserole, tant la place leur semble bonne et chaude.
Enfin, pour d’autres encore, la patte libérale de la maire n’est pas assez blanche. Le «Hidalgo bashing» doit être intégral, quitte à défendre à l’ancienne le tout-voiture antiécologique et la reprise de la circulation sur les voies sur berge.
Pendant ce temps-là, Paris devient de plus en plus la ville de l’entre-soi. L’éviction des couches populaires et moyennes se poursuit. Le nombre de personnes à la rue ne cesse de croître. Ce bilan, ils sont nombreux à se le partager, macronistes compris. C’est en toute cohérence qu’Anne Hidalgo souhaite être, aux prochaines municipales, la candidate de l’entre-soi du pouvoir, s’attelant à rassembler les partis à l’ancienne dans un recyclage macronien. La France insoumise, bien loin de tout cela, incarne la force citoyenne qui fera éclater cet entre-soi moribond, l’opposition populaire à même de diriger Paris demain.