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Barra en Gambie : esclavage, ferries et ping-pong

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A quelques kilomètres de la frontière sénégalaise, se situe le port gambien de Barra. Petite ville située en face de Banjul sur la rive nord du fleuve Gambie, son histoire raconte celle d’une grande partie du pays.
Le Kunta Kinteh est l'un des deux ferrys qui relient quotidiennement Barra à Banjul. Photographie prise en mars 2018 par Vincent Hiribarren CC-BY-SA.
publié le 1er avril 2018 à 9h21

Comme toute la région sénégambienne, la ville est marquée fortement par le commerce transatlantique des esclaves. Portugais, Français et Anglais sont des acteurs majeurs de la traite et le fait que le fleuve Gambie soit en partie navigable a permis aux esclavagistes européens de s'installer dans les terres. Ainsi les Français s'installent à Albreda et les Britanniques non loin de là sur l'ile James. Les musées locaux relatent ainsi la traite des esclaves et son impact sur toute la région.

Monument en l’honneur de la lib

ération des esclaves africains. Albreda, Gambie, mars 2018. Photographie par Vincent Hiribarren CC-BY-SA.

Barra est aussi un terminal pour les ferries faisant la liaison entre le nord du fleuve Gambie et la capitale du pays Banjul. Etant donné qu’il n’y a pas de pont, les ferries ont une importance fondamentale pour toute l’économie de la région. Camions, voitures et marchandises circulent de manière quotidienne sur les deux ferries assurant la liaison entre les deux rives. Quiconque arrive à Banjul par le Sénégal doit par conséquent prendre un ferry et peut réaliser à quel point ces navires sont vitaux pour l’économie (légale et illégale) locale.

L'un de ces ferries se nomme le « Kunta Kinteh » (voir sa photo en haut). Ce nom dérive directement du roman de l'Africain-Américain Alex Haley Roots: The Saga of an American Family. Ce livre qui a connu un succès considérable aux États-Unis raconte l'histoire d'une famille d'Africains-Américains à partir de celle de leur ancêtre africain répondant au nom de Kunta Kinteh (pour les amateurs, une série televisée tirée du roman est sortie en 1977 et une nouvelle version en 2016). D'après ce roman historique, cet homme aurait été réduit en esclavage en Gambie actuelle et envoyé en Amérique du nord. Cette histoire tragique ainsi été l'occasion d'affirmer les liens transatlantiques entre la Gambie et les Etats-Unis et de nommer le ferry « Kunta Kinteh ». L'ile James, symbole de cet asservissement de la population locale a ainsi été renommée « Kuntah Kinteh » en 2011.

Tous les jours la ville de Barra se souvient donc de cette histoire douloureuse. La présence du fort Bullen rappelle d'ailleurs la suite de cette tragédie. Après l'abolition du commerce des esclaves par les Britanniques en 1807, ceux-ci ont construit un fort à Barra en 1826 pour dissuader les bateaux esclavagistes des autres nations de se livrer au commerce des esclaves. Ce fort qui fait à la fois face à la rivière Gambie et à l'océan Atlantique est aujourd'hui un autre marqueur architectural de la traite des esclaves et de leur abolition. Le bâtiment classé au patrimoine mondial de l'humanité de l'UNESCO se visite et son musée rappelle la fin d'une période sombre.

Intérieur du fort Bullen construit par les Britanniques en 1826 pour lutter contre le commerce des esclaves. Photographie par Vincent Hiribarren CC-BY-SA.

Pourtant les aléas d'une visite de deux jours dans le port peuvent parfois être surprenants. À quelques mètres du Fort Bullen se situent des entrepôts abritant des pyramides d'arachides. En marchant dans cette zone portuaire, on peut voir que l'un de ces bâtiments n'est pas utilisé par des commerçants gambiens mais par les forces de l'ECOMOG. Cette présence militaire africaine s'explique par la chute de Yahya Jammeh en 2017 et la nécessité d'assurer la sécurité du port.

En s’approchant du bâtiment, un soldat ghanéen interpelle notre groupe et demande les raisons de notre venue. Il nous invite tous à prendre des rafraichissements. Une fois assis, d’autres soldats nous donnent des bouteilles d’eau et finissent par nous offrir des bières. Une bouteille plus tard, je me retrouve à jouer au ping-pong avec un autre soldat...

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