En mémoire de mes ancêtres militaires, de mon bisaïeul François Augustin II Ramolino de Coll’Alto, élève à l’école Saint-Cyr en 1887, de mon trisaïeul Nicolas III Ramolino de Coll’Alto, lieutenant-colonel et de mon illustre «grand-tante» Letizia Ramolino, mère de Napoléon Bonaparte.
Mon quadrisaïeul François Augustin I Ramolino, officier qui a participé à une grande partie des campagnes de l'empire, grièvement blessé et resté handicapé lors de la bataille d'Hollabrunn, le 25 Brumaire an XIV (16 novembre 1805) apprécierait-il, pour la célébration d'Austerlitz, le cérémonial sectaire et hors de propos de «tradis» du lycée de Saint-Cyr (lire l'enquête de Libération) ? De quelle tradition parle-t-on donc ?
Sommes-nous bien en train de décrire les futurs hauts gradés amenés à gouverner ou à protéger les populations civiles ? A défendre les intérêts de la nation ? A quels grands stratèges confierons-nous donc notre avenir, dans un monde imprévisible et secoué de nombreuses crises nécessitant subtilité, sage fermeté, intelligence et clairvoyance ? Ai-je bien entendu ? De jeunes hommes qui prônent de scalper les femmes, les «grosses», les «cuisses»… Sont-ce des hommes d’honneur et de devoir ou de grossiers troufions, de futurs barbares et violeurs que l’on forme ?
Ces garçons qui nomment les femmes des «grosses» parce que juste bonnes à engrosser, je ne sais pas si leurs origines sont nobles (pas de noblesse du cœur ni d'esprit, c'est sûr !), je ne sais pas de quelles cuisses, ni de quels ventres ils sont sortis ! Certainement pas de la cuisse de Jupiter en tout cas pour être aussi limités : en souillant et salissant ainsi les femmes, ils se décrètent eux-mêmes «fils de cuisses ou fils de grosses».
Etudie-t-on le fonctionnement du cerveau à Saint-Cyr ? Visiblement non, sinon on saurait combien il est dangereux et illusoire d’espérer former une «élite responsable et capable» avec des recrues non dotées de neurones miroirs.
Il va nous en falloir un peu plus sous le képi (pour espérer de la vision stratégique) et dans la culotte aussi (parce qu’à 60 contre quelques jeunes femmes, ce n’est pas vraiment du courage non plus). Et on va nous demander de faire confiance à la future élite au commandement, rassurer la France en matière d’art de gouverner avec ça ? Le coup du scalp des filles, qu’est-ce que ça veut dire ? C’est pour exorciser la peur non avouable du monde extérieur, de l’inconnu, du féminin… ou pour se doter d’un organe égaré, par excès d’ego ou de certitudes ? Elle est où la stratégie là-dedans ?
Waterloo
Mais ce n’est pas Austerlitz, c’est Waterloo qu’ils vont nous rejouer là, la fin de règne ! Il est temps de sortir des châteaux et des silences de cathédrales, d’ouvrir les yeux et de regarder le monde en face. Il change, il bouge ! Les futurs enfants brillants des gouvernants vont être faits avec qui alors : des idiotes, des ventres sans cervelles (une fois les femmes scalpées) ? Entre-soi ? Ah non, ça s’appelle l’inceste et ça donne la consanguinité. Entre frères ? Ah non, ça ce n’est pas possible non plus, car les tradis méprisent les homosexuels autant que les femmes…
Des étudiants scientifiques à ce niveau ne devraient pourtant pas avoir de difficultés à comprendre qu’un système clos est un système mort, que le renouvellement cellulaire est une condition de survie et de développement. Ce qui est sûr, c’est qu’il va falloir apprendre, écouter et réfléchir un peu plus, parce qu’à ce niveau zéro du raisonnement, le «blob», organisme unicellulaire et sans neurones et même nous, les femmes, ça nous laisse de grandes chances de développer des stratégies d’adaptation et de développement mille fois plus vite.
J’ai la chance d’être une «sang-mêlé» (une bâtarde diraient les tradis), du sang bleu et du sang paysan, des chevaliers et des serfs. Des ancêtres pas parfaits mais courageux, et depuis le Moyen Âge, qu’ils soient morts au champ de bataille ou épuisés à la tâche dans leur champ de labour et de labeur puis à l’usine, ce que je sais, c’est que ces lignées d’hommes se sont sacrifiées pour protéger leur terre ou leur troupe, nourrir leur famille, pour servir leur patrie, leur commandement ou leurs seigneurs. Ils sont morts parfois par excès de croyances et de loyauté… Mais jamais ils n’ont méprisé de la sorte l’intelligence de leurs futures compagnes ou souhaité aussi stupidement la mort de leurs femmes, de leurs sœurs, ni la dégénérescence de leurs futurs enfants.
J’ai beau être une femme, ce sang de lignée militaire coule dans mes veines ; le sang versé, les sacrifices consentis, la réflexion stratégique et le dévouement sont inscrits dans ma mémoire cellulaire. Et bien, j’ai honte Messieurs, j’ai honte pour mes ancêtres engagés, d’une telle bêtise, d’un tel niveau d’irrespect, de haine, de violence stériles et inacceptables.
Un officier, ce n’est pas ça
Mesdemoiselles dites les «Féminines», les courageuses et condamnées à l’exil forcé par des méthodes aussi dégueulasses qu’immatures, vous et les jeunes hommes qui osez faire preuve de vraie bravoure et témoigner ensemble de ces pratiques d’un autre âge, je ne suis pas sûre que vous obtiendrez les excuses et mesures qui s’imposent, mais croyez en vous et croyez-le bien : un vrai militaire, un officier, ce n’est pas ça. La faiblesse n’est pas de renoncer à étudier en milieu cynique et oppresseur, elle n’est pas de pleurer ni d’oser dire la vérité. La faiblesse, c’est de confondre puissance et violence, de confondre diriger et dominer, de cultiver la haine quand on est appelé à guider les autres, œuvrer pour la paix et la liberté. La faiblesse, c’est de se soumettre à la grossièreté et à l’indignité, c’est de fermer les yeux, de laisser faire sans sanctionner définitivement de telles bassesses et intimidations indignes.
La puissance sans le respect, le goût du pouvoir sans la responsabilité, la force au service de la haine, c'est ça le masculin ? Est-ce cela qui va nous sauver et protéger la vie sur terre… ? Il est grand temps de réécrire la chanson version «Où sont les hommes ?» Les vrais, les hommes entiers, forts dans leur intégrité, respectueux dans leur puissance, courageux dans leurs décisions, cohérents et constructifs dans leurs actes, soucieux de l'intérêt général… Qu'est-ce qu'ils nous manquent les grands Hommes en fait ! Quand on y pense, Napoléon lui-même, emporté par l'orgueil et le goût de la conquête, aurait peut-être bien fait d'écouter à temps une voix prémonitoire, celle de sa maman : «Pourvu que ça dure !» Elle n'avait pas tort, malgré sa cervelle de femme : tout puissant qu'il était son empereur de fils, la gloire sans les limites, la force sans la mesure… Cela ne dure jamais et ça ne se termine jamais bien… Mais c'est vrai, cela aussi les tradis s'en foutent (ce sont les femmes et les troupes qui trinquent en première ligne). Pourvu que ça cesse, l'ignominie, la couardise et la muflerie dont personne ne sort vainqueur !
Salutations sincèrement attristées pour l’avenir de notre humanité.