Les images se gravent dans l'esprit. Elles ne vous quitteront plus. Cette vidéo est visible jusqu'au 26 mai à Dunkerque, dans le cadre du festival Fais pas ton mauvais genre, organisé en collaboration avec l'émission Mauvais Genre de François Angelier. Elle fait partie d'une exposition – «A mon seul désir»– qui était accueillie début 2018 au siège Agnès B et dont le commissaire, Jean-François Sanz, fournit maintenant une version nouvelle, augmentée de nouveaux artistes et de pièces suplémentaires. Parmi les pièces nouvelles : cette vidéo d'Eric Pougeau, sobre et fulgurante. Elle dure à peine 5 minutes. Eric Pougeau a mis trois ans à la faire. Il a fallu faire «des essais de chute», dit-il, pour obtenir le mouvement le plus évocateur d'un homme foudroyé par une balle ou frappé par une batte invisible et qui s'effondre.
Des essais de chute ?
«Entre l'entraînement aux chutes, la formation finalement d'une équipe technique, 4 tournages avant d'être satisfait à la fois du rendu à l'image et des chutes, la post production, l'enregistrement de la musique, tout ça c'est étalé sur 3 ans, sachant que chaque tournage m'handicapait ensuite à cause de l'impact des chutes sur mon corps. C'est un plan séquence de 11 minutes, dont j'ai seulement gardé les 5 premières. Je voulais garder une énergie qui disparaÎt au fur et à mesure à cause de la fatigue.» De fait, la fatigue et la douleur –on le sent bien– envahissent Eric Pougeau sur cette vidéo minimaliste, dénuée de pathos. L'absence apparente de drame la rend bien plus violente encore.
A la lettre T pour «Tombe», Céline du Chéné raconte qu'Eric Pougeau est toujours à la recherche d'un conservateur de cimetière qui serait prêt à accueillir son corps. «Les refus s'enchaînant, l'affaire reste à ce jour en suspens. Fort heureusement, Antoine de Galbert, grand collectionneur d'art et acquéreur de cette tombe, s'est engagé à la conserver jusqu'à utilisation.» La tombe est donc visible à la Maison Rouge, dans un petit jardin intérieur couvert de graviers… en attendant le jour où, selon le contrat, elle devra être restituée à l'artiste.
En attendant ce jour, Eric tombe, ne cesse de tomber, mais «étant donné, dit-il, que chaque relevé de chute s'apparente à une naissance et que le blues est une des musiques que j'écoute depuis toujours, tout comme Bob Dylan qui a dit cette phrase dans la chanson It's Alright, Ma (I'm Only Bleeding) : "Celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"», Eric ne cesse de se relever.
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EXPOSITION : A mon seul désir (jusqu'au 26 mai 2018). La Plate-forme : 67-69 rue Henri Terquem, 59140 Dunkerque. Tél. 03 28 58 25 66
Commissariat de l’exposition : Jean-Francois Sanz. Co-commissariat : Ewen Chardronnet, Margaret Haines, Jeanne Rethacker.
A LIRE : Encyclopédie pratique des Mauvais Genres, Céline du Chéné, éditions Nada, sortie le 12 octobre 2017.
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