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23 mai : Quel débouché politique à la crise ?

publié le 22 mai 2018 à 17h06

La grève approche de son apogée. Il y a près de 10 millions de grévistes, tous les secteurs, toutes les régions, tous les métiers sont touchés. Le gouvernement doit négocier avec les syndicats le maintien de certains services élémentaires, le ravitaillement des villes, l'électricité, les communications et le fonctionnement minimal de l'Etat. Une inquiétude pour lui : un communiqué des syndicats de policiers qui disent «comprendre» les grévistes et préviennent que l'utilisation de la police contre les salariés débouchera sur des «cas de conscience». La police veut bien assurer le maintien de l'ordre mais non briser les grèves. L'avertissement limite d'autant la marge de manœuvre du gouvernement. Les syndicats ouvriers en profitent pour pousser leur avantage. La CGT appelle à une manifestation parisienne pour le 24, le jour où De Gaulle doit parler. Elle a conclu un accord pour un cahier de revendication commun avec la CFDT. Elle a accepté de politiser le mouvement pour réclamer avec le PCF la constitution d'un «gouvernement populaire». Toujours la même ligne : rester sur une posture revendicative, mais ne pas écarter l'idée d'un changement de gouvernement, à condition que le PCF soit de la partie. Ainsi s'esquisse la recherche d'un débouché politique à la crise. Au sein de la gauche, les conciliabules s'intensifient. Le soir, comme les étudiants manifestent contre l'interdiction de séjour qui vient de frapper Daniel Cohn-Bendit en voyage en Allemagne et aux Pays-Bas aux cris de «Nous sommes tous des Juifs allemands !» et que les heurts avec la police se multiplient, Pierre Mendès France, avec Georges Kiejman, voit François Mitterrand entouré de ses fidèles Georges Dayan, Charles Hernu et Roland Dumas.

On agite l'idée de descendre dans la rue s'interposer entre la police et les manifestants. Mais on se méfie de l'accueil des étudiants, mal disposés envers la gauche officielle. On envoie donc Roland Dumas et Charles Hernu en estafette. François Mitterrand et Pierre Mendès France conviennent de se concerter pour la suite. Malgré cela, plus tard dans la soirée, Pierre Mendès France et Georges Kiejman se rendent au Quartier latin, au QG de l'Unef, puis à la Sorbonne, «entraînés par l'ambiance», diront-ils. François Mitterrand est furieux. Il en est sûr désormais : le PSU, la CFDT et l'Unef montent une opération Mendès qui le laissera sur le bas-côté. François Mitterrand cherche un moyen de les prendre de vitesse…