Menu
Libération
Blog «Gay tapant»

Le béaba du Sida : Comment mettre une capote ?

Blog Gay tapantdossier
En ces temps d'informations inexistantes voir nulles sur le sida et de fausses croyances -mais que fait le Gouvernement ?- un texte pour les jeunes générations (et moins jeunes). Comment bien utiliser une capote ? Pourquoi ça capote ? Utiliser un préservatif pour la première fois, ce n’est pas toujours facile. Comment s’y prendre, avec quels gestes et avec quels mots ? Même si l’usage des préservatifs est en régression, de nombreuses difficultés d’ordre techniques, psychologiques et relationnels
DR
publié le 25 mai 2018 à 20h22
(mis à jour le 1er juin 2018 à 6h49)

Préservatif mode d’emploi

Si pour beaucoup de gays l’usage des préservatifs est devenu un réflexe, il en est d’autres qui rencontrent quelques difficultés.

Les enquêtes sur l’usage des préservatifs, révèlent différents problèmes d’utilisation. En premier lieu, on rencontre la rupture des Kpotes, suivi de près par leur glissement. Puis, interviennent la taille inadaptée (soit trop grande soit trop petite) et en fin les problèmes de pause et de retrait. Généralement, les utilisateurs adaptent leur comportement à ces difficultés ou changent de marque de préservatifs. Par contre, certains rencontrent un blocage et modifient leur sexualité soit en baisant moins soit en ne baisant plus. Ces problèmes peuvent également provoquer un rejet complet des pratiques safe : « Vu que ça capote, à quoi bon en mettre ». Les enquêtes montrent qu’un même produit peut être vécu très différemment d’une personne à l’autre. Ainsi, une capote sera perçue soit trop fine, soit trop épaisse. La question de la sensitivité est souvent de l’ordre de l’imaginaire. Comme l’explique Hubert Lisandre, psychologue clinicien et membre fondateur du Centre Freudien des Homosexualités (aujourd’hui disparu NDR) : « Sur le plan psychologique, on peut se demander si la diminution des sensations n’est pas une rationalisation. Dans tous les cas cette réduction de la sensitivité n’est pas en soi une raison de refuser les condoms ».

Bien que nous soyons, dans notre communauté, relativement très utilisateurs de Kpotes, nous ne savons pas les utiliser parfaitement. Beaucoup de petits trucs sont encore ignorés. Il suffit pourtant de bien respecter le mode d'emploi et d'utiliser un lubrifiant non gras pour éviter ces accidents de parcours. Seuls les gels non gras sont recommandés. En effet les crèmes à base d'huile altèrent le latex et provoquent des microlésions invisibles à l'œil, mais qui peuvent laisser passer des virus.

Mettre du gel sur le sexe favorise les glissements et accentue les sensations.

Mais, faites attention à ne pas trop en mettre : le préservatif pourrait glisser. De plus, il est difficile d’ouvrir un condom les mains pleines de gel ! Quelques astuces peuvent vous rendre la vie et votre plaisir plus facile : jouer avec votre préservatif, incluez-le dans vos jeux amoureux pour qu’il s’intègre facilement à votre sexualité. Cultivez votre imagination et faites-en un objet de plaisir. Pour prendre de bonnes habitudes, vous pouvez également les intégrer à vos masturbations solitaires. N’hésitez pas à essayer plusieurs marques et plusieurs modèles. Vous aurez plus de chance de trouver les préservatifs qui vous conviennent. Découvrez les différents arômes : la menthe, la vanille, etc. Les préservatifs anatomiques sont d’un grand secours, hummm. Goûtez à plusieurs ambiances, cultivez vos phantasmes. Les Kpotes c’est comme les jeans : il faut en essayer plusieurs avant de trouver le bon. Ayez toujours des capotes sur vous pour qu’elles deviennent des objets de votre quotidien. Le sujet est d’actualité et peut rentrer facilement dans la conversation. N’hésitez pas à faire de l’humour, ça dédramatise. Mettez des préservatifs sur votre table de nuit, à portée de la main. Rien n’est plus gênant en effet que de devoir se lever pour en chercher une fois les ébats entamés ! Le préservatif doit être érotisé et intégré dans un art d’aimer.

Le préservatif se pose sur le sexe en érection avant l’acte. Posez d’abord la capote, le petit bourrelet à l’extérieur, sur le gland turgescent. Puis, faites glisser le préservatif jusqu’à la base du sexe. Chassez la bulle d’air des Kpotes à réservoir en le pinçant doucement. Il ne faut jamais placer deux capotes l’une sur l’autre ; la friction pourrait les endommager.

Certains d’entre nous rencontrent des difficultés d’ordre psychologique ou relationnel à l’utilisation des Kpotes. Ces sentiments sont relativement fréquents et tout à fait normaux. Sont évoqués des sentiments d’impuissance et la peur d’une éjaculation précoce. Pour Hubert Lisandre, « dans l’impuissance liée au préservatif, on retrouve le même processus psychologique que dans l’impuissance sans préservatif. Ils viennent renforcer matériellement ce qui gène dans la sexualité ».

D’autres se plaignent de débander lors de la pose du préservatif.

Il faut à tout prix éviter de paniquer, car l’angoisse empêche l’érection. Et, inversement, l’incapacité à bander renvoie à l’angoisse. Soyez en confance avec votre partenaire. N’hésitez pas à parler avec lui. Vous serez ainsi plus à l’aise et hésiterez moins à utiliser les Kpotes. Car c’est vrai, on ne sait pas comment va réagir un nouveau partenaire ! Timidité, crainte de choquer, d’être suspecté de séropositivité peuvent entraîner bien des blocages. De plus, les Kpotes sont souvent liées à une culpabilisation. Les préservatifs relèvent d’une injonction sociale là ou justement on aimerait ne pas en avoir. Les questions auxquelles nous renvoie cette nécessaire adaptation de notre sexualité sont profondes. Quel est notre désir ? Quelle en est sa force ? Ses limites ? Que représente pour nous la sexualité ? En quoi la peur intervient sur notre désir ? Jusqu’où veut-on prendre des risques ? En quoi ce risque nous excite-t-il ? À chacun de se répondre.

Il ne faut pas hésiter à parler de cela avec ses amis, son médecin, voir un psy. En effet, le désir est aussi irrationnel et inconscient.

Hubert Lisandre précise que « contrairement à ce que peuvent laisser penser les études sociologiques, on rencontre une extrême diversité dans le rapport que chacun entretient avec les préservatifs. Généralement, cela aboutit à deux attitudes : soit ça marche, soit ça ne marche pas. Les raisons sont d’ordres très variés et plus ou moins profondes. Elles sont ancrées et en rapport avec la structure psychique. On peut se demander si la peur de la maladie ne vient pas comme rempart pour compliquer ou rendre impossible la relation sexuelle. Comme s’il existait un but inconscient de ne plus avoir de relation sexuelle. Dans un registre névrotique, la sexualité est coupable. Beaucoup de gays réagissent par rapport au sida comme face à un traumatisme. Cela correspond à une menace de mort imaginaire. Il existe une différence radicale entre la mort réelle qui peut advenir d’une contamination et la mort imaginaire qui est liée à cette culpabilité. Sur un plan inconscient, la mort correspond à une punition de quelque chose. On ne peut pas détacher le fait d’être contaminé du fait d’être puni. Le rapport au sida est lié à cette notion de punition. »

Si pour nos amis les hétéros, les capotes sont aussi liées à la notion de contraception, il n’en est rien pour nous, et pour cause. Nous pensons évidemment à l’action de protection. Les représentations psychologiques des préservatifs sont souvent liées à l’idée de sida et sont donc généralement négatives. Si on utilise un préservatif, c’est pour ne pas être contaminé ou recontaminé par le VIH, en oubliant que cela sert également à faire l’amour et donc à prendre du plaisir et à jouir. La capote qui devrait être le nouveau média érotique est encore trop souvent perçue comme instrument de protection, voire un médicament.

Essayons plutôt de ne pas nous fixer sur les aspects angoissants (sida, maladie, mort), mais pensons plutôt à l’amour, au sexe, au plaisir, à la jouissance. À l’usage, les habitudes se prennent, les choses s’arrangent. Et le plaisir est toujours là.

LE GAY SAVOIR :

1. Avoir un sexe sous la main (le sien ou celui d’un partenaire), ou toute autre forme phallique (gode, concombre, etc.).

2 Agiter fortement avant usage (le sexe pas la capote), afin de donner des dimensions décentes (voir indécentes) à l’objet de vos convoitises.

3. Avoir en permanence quelques préservatifs disponibles sur soi. Si votre femme/mari vous surveille, cachez les capotes dans la doublure de votre blouson ou quittez-la/le.

4. Conserver le reste de la boîte dans un endroit frais et sec. Inutile pour autant de les enfermer dans un coffre-fort à la BNP ou dans votre cave à vin.

5. Sortir la capote de son emballage individuel sans utiliser d’instruments tranchants. Se méfier des ongles, des bagues qui pourraient l’endommager. Refréner vos pulsions libidinales et ne pas déchirer sauvagement l’étui comme vous venez de le faire à la petite culotte de votre partenaire.

6. Ne pas gonfer ou étirer la Kpote avant usage.

7. Mettre en place la capote en la déroulant sur la verge gonflée. Imaginer que vous offrez une bague à votre fiancé et que vous la lui placiez amoureusement sur son doigt noueux.

8. Un lubrifant adapté est indispensable lors des rapports anaux et conseillé pour les rapports vaginaux.

9. N’utiliser que des lubrifiants solubles à l’eau commercialisés pour cet usage. Ne pas utiliser de vaseline, ni le beurre de votre sandwich, ni de l’huile Lesieur ou de vidange.

10. Après l’éjaculation se retirer avant la détumescence (autrement dit : quand on débande) en maintenant l’ouverture du condom contre la base de la verge.

11. Ne pas réutiliser une capote, même à l’occasion de rapports sexuels rapprochés (tant mieux pour vous).

12. Laisser reposer quelques minutes avant de renouveler l’application.

PS : Ce texte, je l'ai publié... dans Gai Pied hebdo... en octobre 1992. J'ai toujours fait de la prévention. Cet article est intégré à mon livre «Pride. Chroniques de la révolution gay», La Musardine 2017 disponible chez Amazon et la Musardine. Le Gay Tapant fera souvent des allées et venues dans la temps avec des textes anciens, toujours criant d'actualité, souvenirs-souvenirs.