Les Français ne veulent pas de Front populaire comme Mélenchon le souhaitait en mai. Ni de manif anticapitaliste comme Poutou qui tweete lors de la demi-finale France-Belgique : « Y a une manifestation contre les attaques antisociales du gouvernement ? » Sur les Champs-Elysées, on oublie la grisaille, on fête la victoire d'une bande de jeunes footballeurs en Russie dans une compétition mondiale.
A Marseille, dimanche soir, c'est cris et hurlements sur le Vieux Port et la Canebière. A Lyon, Lille, Montpellier, Toulouse, Clermont-Ferrand, la liesse est sur les places. A Paris, aux carrefours, sur les grandes avenues, les quais, mais surtout sur les Champs-Elysées. Un destin peu ordinaire pour ce lieu tracé la première fois en 1615 par une reine italienne qui imitant une promenade à Florence. Marie de Médicis veut une échappée des terres marécageuses des Tuileries en direction de la colline du Roule.
Le Vieux Port à Marseille réquisitionné pour la fête.
Le Vieux Port de Marseille (image du haut) et Bellecour à Lyon, la place louis-quatorzienne, font la cour aux Bleus
Les monarques y rajoutent leur patte : Louis XIV charge Le Nôtre d’y planter des ormes et Napoléon qui rêve d’un destin d’empereur romain l’habille d’un arc-de-Triomphe qu’il ne verra pas achevé. Haussmann achève le rond-point de l’Etoile. La République boude l’endroit, préférant une place au centre de laquelle elle installe une Marianne aux allures de déesse grecque.
« Les Champs » deviennent en un siècle le lieu des parades. On y accueille Marie-Louise d’Autriche, nouvelle épouse de Napoléon en 1810, puis les tsars russes, le roi de Prusse. Les nouvelles classes bourgeoises y déambulent entre les jardins, les restaurants, les pavillons dont ceux des expositions universelles du Second-Empire. En 1885, la nation s’y donne rendez-vous pour les funérailles de Victor Hugo. En 1944, De Gaulle y célèbre la victoire de la France libre. Le rendez-vous annuel de la fête nationale est fixé avec l’armée. Fin mai 1968, une manifestation nationale amorce la décrue des événements du printemps. Depuis 1975, le tour de France y fait arriver sa dernière étape. Les marathoniens de Paris y prennent leur départ depuis 2015. Alentour du Nouvel-an, les lumières brillent pour les fins d’années.Ce 16 juillet, ce sont toutes les villes, de la plus grande à la plus modeste, où sont nés les joueurs qui défilent avec eux: Mâcon, Paris, Palaiseau, Marseille, Bondy, Evreux, Tarare, Nice, Eragny, Fréjus, Villeurbanne, Troyes, Orléans, Fontenay-sous-Bois, Colombes, Lagny, Lille...
Une atmosphère incandescente, à 22h30, le 15 juillet 2018
Les Champs-Elysées, chez les Grecs, c'étaient les Enfers où les héros et les citoyens goûtaient enfin le repos… après la mort. Homère reprend dans L'Odyssée : « Aux champs Élyséens, qui sont tout au bout de la terre / C'est là que la plus douce vie est offerte aux humains ». Et Pindare les décrit comme « les îles des Bienheureux ».
De Moscou où Napoléon rentrait vaincu par les guerres à la célèbre avenue joignant l’Etoile à la Concorde, les symboles ne manquent pas pour fêter les « bienheureux » Français en triomphe avec un pays qu’ils ont mis en joie.
Les lasers fêtent la victoire des Bleus sur les sculptures des guerres napoléoniennes.