Menu
Libération
Blog «Géographies en mouvement»

Sale Tour de France

Blog Géographies en mouvementdossier
On aime tous le Tour de France, pas du tout les tricheurs ou les agressions. Le message de Génération Ecologie lancé en 2009 dénonçant la gigantesque poubelle qu'est le Tour et sa caravane va-t-il enfin être entendu ?
DR
publié le 21 juillet 2018 à 9h34
(mis à jour le 18 mai 2020 à 8h13)

Le financement du Tour a été imaginé à l’époque de l’invention de la publicité. En 1930, Henri Desgrange invente une caravane. On y a vu une Joséphine Baker promouvoir en pagne la banane française. Yvette Horner a prêté sa personne pour les marques Calor (sèches-cheveux) et Suze entre deux morceaux d’accordéon dans les années 1950. On y a entendu Trenet, Tino Rossi, Anny Cordy. On a échappé à la mère Denis.

En 1952. Pour la promotion de la marque Calor.

20 tonnes de déchets par jour

Depuis les années 1970, la mode du jetable - littéralement - a chassé les vedettes. Tous les gamins postés au bord des routes attrapent au vol stylos, casquettes, maillots et pacotille venue de Chine, madeleines, bonbons et mini-saucissons venus d'on ne sait quelle usine de junk food. La moindre commune qui accueille le Tour ramasse en moyenne vingt tonnes de déchets.

Les écologistes estiment aussi les déplacements de personnels, équipes et suiveurs, ainsi que les publics à plusieurs millions de personnes qui sont devant et derrière les cyclistes sur des véhicules motorisés.

Qu’en pense Amaury Sport organisation (ASO) ? Son argument : «ASO est locataire et non propriétaire des lieux traversés. ASO met tout en place pour que les lieux soient aussi propres en partant qu’en arrivant»

La marque bien nommée Cochonou et ses deuches

18 millions de goodies

Les 176 coureurs méritent-ils une telle gabegie sur 3000 kilomètres ? Est-il bien nécessaire que traînent 1500 bus, camions, autos et motos ? Rien que la caravane publicitaire, c’est 160 véhicules qui vont jeter 18 millions de goodies...

L’itinéraire est jalonné de zones de ravitaillement où les coureurs se lestent de leurs emballages. Les moteurs doivent être coupés (si l’arrêt dépasse la minute), la vitesse est plafonnée. Les objets ne peuvent plus être jetés quand la caravane passe à côté d’un cours d’eau. Et des sacs poubelles devraient être accessibles à tous, ce qui est loin d’être le cas.

Cas édifiant des salles de presse, rapporté par Christian Lecomte (1) où transitent près de 400 journalistes. Pas ou peu de sacs. Certains soirs, «les 2000 copies presse ne bénéficient d'aucun recyclage. Ces feuilles distribuées après chaque étape aux journalistes présents fournissent les classements de l'étape, du général, du maillot vert, du maillot blanc, etc.» D'après Docapost qui photocopie les documents, ce sont 2,5 tonnes de papier chaque année (en 2012, près du double).

Côté personnel, Le Temps (2) raconte le cas de Sélosse, Lilloise de 20 ans sur le char Senseo : «On se lève vers 5 ou 6 heures, on se couche vers 22 heures, on est payés 14,50 euros l'heure mais l'hôtel et les repas sont pris en charge et on découvre la France». Avec une angoisse, la pause pipi : un seul arrêt de deux minutes (soulagement dans la nature ou chez l'habitant). Et une frustration : ne rien voir de la course qu'on précède d'environ deux heures.

Tout ça pour ça. Qu'en pense la start-up nation chère à Macron ? Un peu d'imagination pour un Tour plus propre ?

---------

(1) «La mobilité pas si douce d'un Tour de France à vélo, Le Temps, 21 juillet 2018

(2) 19 juillet 2018.

Gilles Fumey a aussi publié sur Liberation.fr Les frontières mouvantes du Tour de France