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Libération

«Mauvaises herbes» à défendre

Ce recueil de textes raconte la ZAD tel un lieu d’expériences pour une nouvelle forme de société.
Notre-Dame-des-Landes, le 17 mai 2018. les expulsions reprennent suite à l'expiration du délai de dépot des dossiers auprès de lapréfecture. COMMANDE N° 2018-0619 (Photo Franck Tomps pour Libération)
publié le 22 juillet 2018 à 18h16
(mis à jour le 24 juillet 2018 à 14h40)

C'est au moment où la victoire dans la lutte originelle a été actée que la ZAD de Notre-Dame-des-Landes a pour le public changé de dimension. Dépassant l'image d'un lieu occupé pour bloquer la construction d'un aéroport, elle a montré, par sa volonté farouche de continuer à exister, et son ambition expérimentale de bâtir un autre rapport au monde. Eloge des mauvaises herbes, coordonné par Jade Lindgaard (journaliste à Mediapart), est un recueil de 17 textes, témoignages, analyses ou nouvelles, pour la raconter, ce qu'elle signifie, ce qu'elle a accompli, ce qu'elle nous apprend et qu'elle peut encore changer. «Au cours des 40 dernières années, écrit l'anthropologue David Graeber en préface, l'objectif prioritaire de la gouvernance mondiale a été la destruction de toute perspective d'avenir alternatif, puis leur liquidation - et lorsque cela est impossible, il s'agit de faire en sorte que personne n'en entende même parler.»

Ce qui ressort de cet Eloge… c'est que la ZAD joue ce rôle de perspective, permettant d'entrevoir autre chose. Le chercheur et auteur de Comment tout peut s'effondrer Pablo Servigne explique : «Notre-Dame-des-Landes est un point clé pour la compréhension de notre époque, c'est le lieu de friction entre l'imaginaire de continuité et l'imaginaire de rupture.» Avec son regard extérieur, Despentes, elle, parle de ce que ressent la majorité des lecteurs qui observe ce qui se passe de loin, avec un mélange d'admiration et de culpabilité : «Bien que je ne sois jamais allée sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, et que le système totalitaire auquel je collabore me traite trop bien pour que je pense m'y installer dans les semaines à venir, je me sens concernée par le message qu'ils envoient dans le paysage mental politique de mon époque. Le grain de sable de contre-propagande qu'ils distillent m'est précieux. Il y a donc des alternatives.» Le soutien à la ZAD n'empêche pas de porter un regard critique. Il faut aussi saluer la présence de la cinéaste Amandine Gay, qui pointe avec un argumentaire ciselé la monochromie blanche de la lutte écolo en France et dans la ZAD : «Si 200 ou 300 Noirs ou Arabes s'amusaient à occuper un terrain en fumant des joints pour empêcher la construction d'un aéroport, on leur enverrait l'armée dès le premier jour.»E.C.