Thomas Clerc se demandait il y a peu «Un McDo est-il un restaurant ?» Il comprenait le geste des Black Blocs ayant mis hors de service le fast food parisien : «Il n'y a rien de plus beau que de détruire ce qui doit l'être. Et pourquoi McDo doit-il être détruit ? Parce qu'il est destructeur».
Source :
McDo a une communication particulière : pas de semaine passe que la firme commente l’actualité en se mettant en avant : McDo va interdire les pailles en plastique, McDo achète des milliers de tonnes de viande française, McDo créé des emplois, McDo offre une connexion wifi gratuite, McDo va faire lire les enfants, McDo veut le bonheur des poulets... La technique est d’être toujours présent dans tous les débats publics par une annonce. Et de construire, toujours annoncer qu’on construit, comme à Oléron, même si on doit fermer comme à Nantes l’an dernier ou à Saint-Paul sur Ternoise (Aisne) où les opposants viennent de gagner.
Dans un numéro du Journal of Internal Medicine (2013), quarante quatre pays ont été étudiés et, à l'époque, les 1442 établissements classaient la France derrière les Etats-Unis, le Canada, le Japon et l'Australie. Un classement peu glorieux, voire surprenant tant l'impression que les pays voisins de l'Europe du Nord sont plus touchés par le fast food que la France. En réalité, la France est dans le Top 5 car McDo favorise les pays riches (McDo, c'est cher), peuplés (EU, Japon), de peu de tradition culinaire (Canada, Australie). La France des McDo dépasse l'Allemagne, colonisée par d'autres types de fast food à base de «Wurst», ou les kebab. Ll'Espagne et l'Italie ont des «fast food» nationaux ou ce qui en tien lieu, propres à elles comme la pizza, ou les tapas.
Ce qui étonne Thomas Clerc est qu'on appelle de ce mot noble français «restaurant» ce qui n'est qu'un «endroit où l'on sert à manger». Aux Etats-Unis, le terme est employé sans rire. Ni référence à ce qu'avaient inventé les cuisiniers français autour du Palais royal à Paris à la Révolution. Le mot a servi à exporter un modèle d'espace à manger proche du hall de gare ou d'un banal commerce. Pas de service à table. Des aliments vendus dans du carton, du plastique à partir d'une carte immuable qui ne demande pas d'effort pour le choix. Pour une majorité des mangeurs, choisir un plat est une corvée, nécessitant un gros effort qu'ils délèguent à l'industrie. Astuce : l'industrie fait croire que le client a le choix... Un choix qui se résume d'un établissement à l'autre, à être du pareil et au même.
McDo traîne une image déplorable auprès d'une grande partie de la population française. Il a beau faire des «efforts» en servant à table, en offrant le petit-déjeuner avec des tartines, du camembert dans des sandwiches, de la viande d'Aubrac dans ses grillades, rien n'y fait. Ceux qui en consomment (on ne dit pas «mangent») le font à l'aveugle, gavés de pubs télés ou d'intrusions sur les écrans. Le profil sociologique des amateurs McDo serait pour les informateurs de Thomas Clerc «les jeunes Noirs, les jeunes Arabes, les fils du peuple». Des amateurs de burgers, de sodas et de crèmes glacées qui se soucient de leur santé comme d'une guigne.
McDo est l'emblème d'une transgression vécue comme un plaisir. Ca emmerde bien du monde, ça fait du bien pour ça. McDo est une autre planète qui surplombe tout ce qui se voudrait nourrir les humains. Ceux qui en franchissent le seuil sont des robots, commandés à distance par un complexe agroalimentaire sophistiqué. Les petits frères de Charlot dans Les Temps modernes.
Les temps modernes, Chaplin, 1936
________
Annonce qui n'a rien à voir : Au Mucem (Marseille), une excellent exposition (jusqu'au 30 septembre) : Manger à l'oeil (ci-dessous, le catalogue de l'expo)