Des rives du lac Majeur à celles de la Baltique, la Lithuanienne Rugilės Barzdžiukaitės qui écrit des opéras et rafle les prix dans les festivals, nous emmène sur des questions politiques et environnementales bien mal nommées : Acid Forest (Rūgštus miškas). Le dossier de presse d'une qualité iconographique affligeante ne donne pas la moindre idée de la qualité exceptionnelle de la photographie. Cinq images peu engageantes alors que le film est époustouflant de beauté, de cocasserie et aussi, de tragique.
Des pins morts de la merde d’oiseaux
L'histoire est peu banale. Des touristes visitent une forêt « morte », habitée par des hordes de cormorans noirs. Une forêt morte ? Des millions de pins déplumés qu'ont aurait pu photographier à côté de Tchernobyl ou après une tempête, tant la casse est impressionnante. Sur ces sols acides des sables de la Baltique, rien ne pousse et ne repoussera sans intrants chimiques. En attendant un financement, des centaines de milliers d'oiseaux dont la couleur noire intrigue, y ont élu domicile. Des bestioles, nous dit le film, qui « tuent les pins en chiant ».
Le film est tournée dans la Curonian Spit, une péninsule très pittoresque vers Kaliningrad, célèbre pour ses «pins dansants» (voir l’image plus bas) et classée au patrimoine de l’UNESCO. Des milliers de touristes s’y pressent, l’hôtellerie y est chic, de niveau international, mais le point noir reste les cormorans.
Parler en cormoran
Pour la réalisatrice Rugilės Barzdžiukaitės, la question est celle des bestioles qui ne correspondent pas à ce qu'on attend d'elles : de la discrétion puisqu'elles sont moches. Non seulement, on les accuse de « tuer » la forêt, mais on leur reproche de pêcher trop de poissons dans lagune. Le parti du film est d'enquêter sur ce que pensent les humains de cette surpopulation et de la forêt rongée par les acides. Et comme Emmanuel Gras l'avait fait pour les vaches qui « regardaient » les humains (Bovines, 2011), les caméras plantées dans les arbres captent les conversations humaines pour connaître leur point de vue sur les oiseaux. Peut-on rêver d'une communication inter-espèces ?
Les pins dansants de la région de Kaliningrad, sur la presqu’ile de Curonian Spit