«Que penses-tu de l’histoire Asia Argento ? C’est la fin de #MeToo ?» me demande-t-on depuis que l’actrice et l’une des héroïnes de l’affaire Weinstein, est accusée d’avoir, elle aussi, harcelé, agressé...un jeune homme dans son cas, quand elle a 37 ans et lui 17 ans et deux mois.
Normal qu'on me pose la question, je viens de publier un livre qui fait le récit chronologique de l'onde de choc de l'affaire Weinstein et comment #MeToo secoue la planète (*). Après avoir longtemps hésité j'ai mis un point d'interrogation au titre de mon premier chapitre et de la quatrième de couverture : Et si c'était une révolution ?
N'osant pas frapper plus fort et dire vraiment ce que je pense en titrant avec un point d'exclamation : Et si c'était une révolution !
J’ai raconté notre exception française, la polémique contre #MeToo et sa version française #balancetonporc, la peur de nos intellectuels et intellectuelles de désérotiser nos belles relations entre les hommes et les femmes, de perdre la subtile galanterie si romantique, et de sombrer corps (surtout) et âmes sous la vague du puritanisme américain, notre pire ennemi.
Un peu calmés après quelques mois, ne pouvant plus hurler à la chasse aux sorcières qui «livrerait les hommes au bourreau» (je cite) puisque la chasse aux sorcières n’a pas eu lieu, voilà qu’ils se réveillent grâce à Asia Argento et ricanent : «Hé Hé Asia porte-parole de la lutte contre le harcèlement, accusée de harcèlement, ou l’arroseuse arrosée !»
Alors je reprends. Asia Argento a été l’une des premières de la centaine d’actrices à raconter comment Harvey Weinstein l’avait attirée dans sa chambre d’hôtel pendant le festival de Cannes et l’avait violée quand elle avait 21 ans. Dans l’affaire Weinstein la méthode est toujours la même - la promesse d’un rôle dans un film - mais c’est le nombre de jeunes actrices harcelées et le silence de Hollywood qui en font un cocktail explosif.
Qu'à l'âge de 37 ans Asia Argento se jette sur un jeune homme dans une chambre d'hôtel californien n'est pas inimaginable. La relation est un peu compliquée, Jimmy Bennet a joué son fils de 7 ans dans le «Livre de Jérémie» , un film écrit et réalisé par Asia. Elle y est une mère droguée et prostituée qui n'hésite pas à utiliser son fils déguisé en fille. Plus tard Jimmy Bennet continuait à l'appeler Mom.
Quand il a vu Argento à la télé en octobre, devenue victime célèbre du prédateur Weinstein, il a fait savoir par son avocat qu’il était la victime et avait l’intention de porter plainte contre elle...à moins qu’elle ne lui donne 3,5 millions de dollars. Il a besoin d’argent, plus de boulot et un procès contre sa famille qui aurait détourné tout son argent d’enfant acteur. A l’époque de l’agression dans la chambre d’hôtel il était mineur pour la loi californienne, une accusation de viol de mineur risquait d’envoyer Asia Argento en prison pour plusieurs années. Elle lui verse 380000 dollars.
De Trump à Weinstein à Trump...
Comme dans les autres affaires d’agression sexuelle sans témoin, on ne saura peut-être jamais ce qui s’est passé dans la chambre d’hôtel. C’est un copié/collé de la scène Weinsteinienne où un homme de pouvoir utilise son pouvoir pour du sexe. Dans tous les cas le mot-clé est pouvoir - en général masculin - parfois féminin.
Ce qui n’empêche qu’Asia Argento fait partie de la centaine de femmes qui ont accusé Harvey Weinstein de les avoir agressées, avec suffisamment de faits établis pour que le producteur soit inculpé par la justice américaine. Mais Argento n’est pas l’une des plaignantes au procès Weinstein qui aura lieu en septembre, l’ex-roi de Hollywood plaide non coupable.
#MeToo, vague de centaines de milliers de témoignages sur internet, sur toute la planète, de la Corée du Sud à la Mecque en passant par le prix Nobel, l’Espagne, la France etc, a soulevé le couvercle sur un monde de silence: l’omerta sur le harcèlement et les agressions dont sont victimes, pour la majorité, des femmes. Aucune raison qu’elles laissent le couvercle se refermer brutalement.
Enfin au même moment Donald Trump se voit rattrapé par ses histoires de maîtresses qu’ll a, lui aussi, payé pour qu’elles se taisent. Je rappelle qu’avant de déferler sur #MeToo en octobre, les Américaines étaient descendues dans la rue par millions, avec des hommes, le 21 janvier 2017, pour protester contre l’arrivée à la Maison blanche de Trump et ses fameuses remarques de harceleur gras sur le «pussy» (la «chatte»). La mobilisation contre le mâle blanc sexiste a commencé avec Trump. Et continue.
Annette
* Chroniques d'une onde de choc , Editions de L'Observatoire