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Blog «Gay tapant»

Voyages d'été en sodomie : Intromission

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Le cul est la chose du monde la plus partagée. S’il est bien un point commun entre ces êtres aussi différents que sont les femmes, les Trans et les hommes, c’est bien de leur derrière qu’il s’agit, lieu magique, culturellement et historiquement interdit et extrêmement jouissif.
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publié le 31 août 2018 à 6h37

L’anus n’est heureusement pas que ce lieu « vulgaire et dégôutant » de la défécation et de la honte sociale, non-non. Il ne sert pas qu’à l’exonération des fécès et des pets odoriférants. Cet anus qui s’ouvre et se ferme à la demande, telle une porte gigantesque vers le paradis du dedans, n’est pas qu’un vide-ordure perfectionné. Il est l’orifice secret, divin et solaire : caché entre les hémisphères plus ou moins volumineux des fesses. Il est un lieu imaginaire, au même titre que ces non moins célèbres voisins le pénis et le vagin, un univers auréolé de sexe et de désir. Lieu de rêve et de fantasme. Ces fesses qu’hommes et femmes mâtent dans la rue, souhaitant parfois pouvoir y mettre une main bien placée. Les fesses, objet de désir et de fixation fétichiste s’il en est.

Le cul, obsession permanente pour certains, est objet de toutes les convoitises. Éloignons nous de l'anus anatomique. Franchissons une nouvelle dimension, celle où les plaisirs ne sont plus interdits mais encouragés, celle de l'anus symbolique, mystique et spirituel. L'anus qui attire parce qu'il est justement interdit, plat de choix de l'érotisme gourmé puisqu'il transgresse le tabou culturel, l'interdit et l'injonction religieuse du coït reproducteur.

La sodo est un acte queer (1) par excellence parce que anti-reproducteur, amoral et accessible à tous les genres. Pas besoin d'être une femme pour s'en prendre plein la salle des fêtes ; au placard l'antédiluvien vagin, place au trou du cul pansexuel : organe universel des jouissances flamboyantes. Et les gays ne sont pas en reste qui ont écrit en premier les annales de la sodomie.

La sodomie est un acte politique. La pénétration anale est une pratique vieille comme mes robes qui renvoie à diverses considérations d'ordre psychologique, physiologique, culturel, social et patati et patata. Oui, travailleurs et travailleuses de l'anus et du rectum, enculé(e)s du capital, la sodomie est un acte politique et subversif. Contre le Médef, enculez-vous ! Contre les plans sociaux, sodomisez-vous. Le mondialisme ne passera pas par notre anus et le rectum, enfin libéré, sera notre Larzac 2018. Camarades du sexe, luttons contre l'oppresseur et réagissons contre la montée de l'ordre moral et redonnons toutes ses lettres de noblesses à cette pratique affriolante.

Les différents aspects de la question des rapports anaux sont abyssaux : les interrogations du cul sont sans fond et c'est une Pléiade qu'il aurait fallu se résoudre à composer pour effleurer du bout de la langue, les délices des vices sans fin. Faisons acte de contrition et offrons ce blog en offrande à Saint-Priape, que nos fesses, à jamais, sur l'autel, soient toujours pleines de sa bonté.

L'anus subversif. Pour Paul B. Preciado (2) « L'anus présente trois caractéristiques fondamentales qui en font le centre transitoire d'un travail de déconstruction contra-sexuelle. Un : l'anus est un centre érogène universel situé au-delà des limites anatomiques imposées par la différence sexuelle et où les rôles et les registres apparaissent comme universellement réversibles (qui n'a pas d'anus ?). Deux : l'anus est la zone de passivité primordiale, un centre de production d'excitation et de plaisir qui ne figure pas sur la liste des points orgastiques prescrits. Trois : l'anus constitue un espace de travail technologique ; c'est une usine de refabrication du corps en tant que contra-sexuel. Le travail de l'anus ne vise pas la reproduction et ne se fonde pas sur l'établissement d'un lien romantique. Il génère des bénéfices qui ne peuvent être mesurés à l'intérieur d'une économie hétérocentrée. »

(1) Bizarre, gay en opposition a straight, normal, hétéro. Théorie bouleversant les rapports de genre et de norme.

(2) Paul B. Preciado, publié sous le nom de Beatriz Preciado, Manifeste contra-sexuel, traduit par Marie Hélène Bourcier. Balland 2000.

(3) Rien ne les empêche de se servir de leurs doigts, de leurs mains ou même d’un gode.