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Chronique «Economiques»

Climat : à quand la taxe carbone ?

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Le changement climatique n’est pas une priorité politique, ni en France ni aux Etats-Unis. La faute en revient aux lobbys, mais aussi au manque de mobilisation des citoyens, pour qui ses effets semblent encore bien lointains.
This Wednesday March 30, 2011 shows the Corus steel plant in IJmuiden, Netherlands. In these days of concern over global warming and carbon emissions, industries are trying to move away from fossil fuels to low-carbon alternatives. Under Europe's cap-and-trade scheme, less carbon means more cash. But an evaluation shows carbon trading has had only modest success in reducing emissions. (AP Photo/Peter Dejong)
publié le 10 septembre 2018 à 18h26

Le ministre de l'Environnement, le médiatique Nicolas Hulot, a récemment démissionné. Il ne pouvait plus se mentir, et rester en poste alors que l'action pour la défense de l'environnement fait si peu de progrès. «On s'évertue à entretenir un modèle économique cause de tous ces désordres climatiques […]. Nous faisons des petits pas, et la France en fait beaucoup plus que d'autres pays, mais est-ce que les petits pas suffisent… la réponse, est non !»

Pourquoi en est-on arrivé là ? Parce que le climat n’est pas une priorité pour les citoyens des pays riches.

Bien sûr, comme le dit Nicolas Hulot, les lobbys jouent un rôle. Les industries qui émettent beaucoup de carbone vont bien évidemment avoir tendance à s’opposer à une taxe sur le carbone.

Aux Etats-Unis, les industries ont non seulement contribué à bloquer la politique environnementale mais ont mené une campagne de désinformation sur le changement climatique et l'implication de l'humanité. Pourtant, dans une démocratie, le problème est in fine politique. Si les citoyens étaient mobilisés massivement pour une taxe sur le carbone, les lobbys ne pourraient vraisemblablement pas résister bien longtemps.

Or, les effets du changement climatique ne se font pas encore sentir de manière très nette. Le climat reste très variable. Aux Etats-Unis, sur les quarante dernières années passées, les hivers sont devenus moins froids mais les étés ne sont pas devenus plus chauds. Les gens peuvent donc penser que la situation climatique s’améliore. Les effets les plus négatifs se feront sentir dans le futur, notamment avec la montée du niveau des océans et l’inondation des côtes. Aujourd’hui, il ne semble pas y avoir d’urgence à agir : tout baigne, jusqu’au jour où les immeubles des villes côtières prendront un bain.

Si les effets bénéfiques de l’action contre le changement climatique sont encore lointains, les coûts sont immédiats. Une taxe carbone, par exemple, va augmenter le coût de l’essence et de l’électricité. Mais qui aujourd’hui veut se sacrifier pour les générations futures?

Si on veut motiver les gens à soutenir la réduction des émissions de carbone, il faut qu’ils puissent s’y retrouver. Pourquoi ne pas utiliser les recettes de la taxe carbone pour couvrir les coûts supplémentaires ? Les entreprises et les ménages les plus affectés pourraient recevoir une compensation financière. Ou alors, on pourrait verser à tous les citoyens un dividende carbone.

Mais aux Etats-Unis, il n’y a pas de taxe carbone, et le changement climatique est devenu le centre d’un conflit politique. En 1990, il n’y avait pas de différence dans l’opinion publique entre les démocrates et les républicains : environ 60 % des Américains s’inquiétaient du changement climatique. Depuis, les démocrates semblent plus alarmés que les républicains, sans en faire une priorité pour autant. L’insécurité soucie davantage les démocrates que le changement climatique. On en revient ainsi au problème principal : les gens ne pensent pas (encore) qu’il est important de prendre des mesures comme la taxe sur le carbone.

Nicolas Hulot a démissionné parce qu’il n’a pas eu les moyens suffisants pour lutter contre le changement climatique et la dégradation environnementale. Aux Etats-Unis, la situation est pire. Si Nicolas Hulot a eu pour objectif la fin de la commercialisation des véhicules à l’essence ou au diesel d’ici à 2040, on voit mal une telle mesure passer aux Etats-Unis. Mais, que ce soit aux Etats-Unis ou en France, le problème fondamental perdure : la lutte contre le changement climatique n’est pas une priorité politique.

Cette chronique est assurée en alternance par Pierre-Yves Geoffard, Anne-Laure Delatte, Bruno Amable et Ioana Marinescu.