La récente élection à la présidence de l'Assemblée nationale révèle une nouvelle fois la fragilité des engagements des partis en faveur d'une parité réelle et réalisée. Il ne s'agit pas de discuter le vote majoritaire au sein du groupe parlementaire majoritaire, mais d'interroger la machine à fabriquer du pouvoir masculin. Les faits sont contre les femmes : un président de la République, un Premier ministre, un président de l'Assemblée nationale, un président du Sénat. Tous des hommes.
Parallèlement, seuls dix départements sur 101 et six villes de plus de 100 000 habitants sur 32 ont une femme à leur tête.
A l’évidence, la parité dans les exécutifs reste trop souvent de convenance et relève peu de la conviction, sauf à faire croire que le progrès reposera sur les comportements espérés des autres… La parité, ou mixité, est pratiquée quand cela arrange les «chefs», qui restent majoritairement des hommes. C’est un constat. Comme il y a un nombre important d’hommes déjà en poste, entrer dans le cercle d’en haut reste difficile.
Comme le dit l'écrivain américain Ethan Canin : «C'est un élément fort peu exploré de l'histoire, et qui m'a longtemps fasciné, que pour une large part, le pouvoir politique soit issu non point de positions intellectuelles ou d'impératifs sociaux, mais du simple affrontement des volontés entre des hommes attablés ensemble…»
Comment s’explique l’acceptation de cette situation par tous les autres ? Elle résulte selon moi, entre autres, du patronage et de valeurs différentes. Les hommes occupent très majoritairement les places du pouvoir politique. Pour s’assurer un soutien partisan, les «chefs» politiques dispensent des faveurs à leurs obligés. Ils leur confient des responsabilités ou du prestige, et ce, en échange de leur soutien politique… Ces mêmes chefs ont tendance à privilégier ceux de leur camp, souvent des hommes, au détriment de ceux, notamment les femmes, qui n’y appartiennent pas. Ce facteur contribue à la discrimination.
Au-delà, les valeurs défendues respectivement par les hommes et les femmes apparaissent différentes et expliquent une moindre grande inclinaison des femmes à défendre une conception patrimoniale du pouvoir et, par-là, expliquent un déficit des positions institutionnelles pour faire avancer leur cause. Il y a peu d’hommes, et encore moins de femmes, engagés dans les organisations politiques. Pourtant de nombreuses femmes sont présentes dans les associations et les syndicats où l’on discute du bien commun.
Nécessairement, les partis doivent accepter de voir des femmes s’engager à leurs côtés en n’ayant pas comme préoccupation première la gestion de leur ambition. Les partis politiques doivent s’ouvrir aux sympathisants, mieux les associer aux décisions, discuter davantage avec les associations, faciliter la participation des femmes aux réunions par une organisation appropriée, changer la façon dont la parole est accaparée par quelques hommes !
Dissoudre la hiérarchie masculine suppose aussi que les hommes s’investissent davantage dans la vie familiale et que les rôles très typés se rapprochent en convergeant. Bref, ce vaste chantier à mener dans la société et les partis politiques est indispensable si ces derniers veulent ressembler à leurs concitoyens et les rassembler ; ils doivent donc changer dans ce domaine au-delà de leurs proclamations de principe… parfois vite oubliées.
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