Tribune. Le projet de loi «pour une école de la confiance» introduit l'instruction obligatoire à 3 ans, promesse du candidat Macron confirmée en mars 2018 lors des Assises de l'école maternelle. Cette annonce est placée sous le signe de la lutte contre les inégalités et le droit à la réussite de tous les élèves. Le problème, c'est qu'en réalité 97 % des enfants de 3 ans sont d'ores et déjà scolarisés, donnant à cette mesure un caractère d'effet d'annonce plutôt que d'une véritable transformation de l'école.
Et pour les 3 % non scolarisés, outre la problématique des enfants des territoires ultra-marins où les questions de financement et de construction d’écoles se posent, rappelons que l’obligation scolaire n’oblige en rien les familles à inscrire leur enfant à l’école, au sens où existe toujours la liberté d’instruction à domicile. De ce fait, l’obligation scolaire à 3 ans ne changera rien à la présente situation, les familles pouvant continuer à instruire leur enfant à la maison.
Par conséquent, à partir du moment où la quasi-totalité des enfants de 3 ans est scolarisée, comment croire à cette volonté «égalitaire» ? Que se cache-t-il réellement derrière cette mesure ? La réponse à cette question se trouve dans l'article 3 du projet de loi, qui rend obligatoire le financement des écoles maternelles privées sous contrat par les communes.
Là où le bât blesse, c’est que cette obligation est en totale contradiction avec la prétendue «égalité» invoquée par le Président et son ministre pour justifier cette décision. En effet, il n’y a pas de parité entre l’école publique et l’école privée puisque 90 % des enfants de maternelle sont scolarisés dans le public, l’obligation scolaire à 3 ans ne bénéficiant donc principalement qu’aux écoles privées.
De surcroît, l’ensemble des études sociologiques attestent que la mixité sociale des écoles publiques est directement affectée par le développement des écoles privées, accentuant la marginalisation, la dégradation, voire la ghettoïsation des écoles publiques.
Enfin, cette décision marque à coup sûr la disparition de la priorité à la scolarisation des enfants de moins de 3 ans, pourtant reconnue encore tout récemment dans le rapport Borloo sur les banlieues comme un formidable outil dans la lutte contre les inégalités.
En décidant, sous couvert d'«égalité», la scolarisation obligatoire à 3 ans, le président de la République et son ministre de l’Education introduisent subrepticement l’obligation de financement des maternelles privées par les communes : c’est un bien mauvais coup porté à l’école maternelle publique et aux collectivités locales.