Menu
Libération
Blog «Ma lumière rouge»

"Je n'avais jamais eu de mauvaises expériences avant cette loi"

Blog Ma lumière rougedossier
Témoignages de travailleuses du sexe suite à la pénalisation des clients
DR
publié le 8 janvier 2019 à 13h29

En partenariat avec la Fédération Parapluie Rouge, nous relayons les témoignages de travailleurSEs du sexe recueillis au mois de novembre 2018 sur l'impact de la pénalisation des clients sur les conditions de vie et de travail. Cette collecte de témoignages se déroule dans le cadre de la Question Prioritaire de Constitutionnalité actuellement en cours concernant la pénalisation des clients.

Les personnes dont nous relayons les témoignages sont issues de communautés variées de travailleurSEs du sexe : femmes cisgenres, transgenres, hommes cisgenres, transgenres, travaillant dans la rue ou sur internet, maîtrisant le français ou non, ayant un titre de séjour en France ou non. Le constat est encore une fois sans appel : la pénalisation des clients nuit aux travailleurSEs du sexe, quel que soit leurs modalités d’exercice, quel que soit le degré d’autonomie dont elles disposent dans leur activité, quelle que soit leur situation au regard du séjour en France. Pour des raisons de garantie d’anonymat, les prénoms ont été modifiés et nous ne publions pas l’origine du témoignage.

"Je suis travailleur du sexe gay depuis pas mal d'année. Je voulais juste faire part à quelle point la loi de pénalisation des clients de la prostitution a été une descente aux enfers pour moi. Avant celle-ci j'étais des plus heureux dans mon travail. Cherchant mes clients depuis chez moi via internet, pouvant ainsi avoir le temps de discuter avec eux, cernés leurs personnages, éviter les mecs qui me paraissaient louchent (tant sur la violence ou sur le non paiement) et enfin quand je me sentais en confiance ou leur donner mon adresse, ou aller à leur appart ou hôtel.

Maintenant depuis que la loi de pénalisation est entrée en vigueur, plein de mecs n'osent plus passer par internet pour trouver un escort, ils ont peur de se faire chopper. Du coup obligé d'aller racoler dans la rue à la sortie des saunas ou boites gay. On ne sait jamais sur qui on va tomber, on attend dans le froid en hiver, voir sous la pluie même parfois, bien plus difficile de se mettre en valeur, donc on y passe beaucoup plus d'heure au racolage.

Et tout ça pour quoi ? Pour des clients qui ne nous traitent pas forcément bien car le filtre que je pouvais faire avant lors de la discussion par message ne peut pas se faire dans la rue vu qu'il faut aussi être discret et rapide. Je n'avais jamais eu de mauvaises expériences avant cette loi. Depuis qu'elle est là j'en ai eu un certain nombre. Ce n'est pas ça qui va me faire arrêter mon métier de tapin, mais ma vie et celle de tous les TDS (homme comme femme comme les autres) seraient bien différentes si des lois avaient été faites en nous demandant notre avis à nous au lieu de comme toujours parler de comment faire pour notre bien sans avoir aucune idée de notre réalité. Je suis pour que comme tout travailleurs et travailleuses nous puissions cotiser à la retraite, a la sécu, au chômage, etc."

Timothée