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Blog «Ma lumière rouge»

"Depuis la pénalisation des clients, je travaille la nuit"

Blog Ma lumière rougedossier
Témoignages de travailleuses du sexe suite à la pénalisation des clients
DR
publié le 9 janvier 2019 à 11h10

En partenariat avec la Fédération Parapluie Rouge, nous relayons les témoignages de travailleurSEs du sexe recueillis au mois de novembre 2018 sur l'impact de la pénalisation des clients sur les conditions de vie et de travail. Cette collecte de témoignages se déroule dans le cadre de la Question Prioritaire de Constitutionnalité actuellement en cours concernant la pénalisation des clients.

Les personnes dont nous relayons les témoignages sont issues de communautés variées de travailleurSEs du sexe : femmes cisgenres, transgenres, hommes cisgenres, transgenres, travaillant dans la rue ou sur internet, maîtrisant le français ou non, ayant un titre de séjour en France ou non. Le constat est encore une fois sans appel : la pénalisation des clients nuit aux travailleurSEs du sexe, quel que soit leurs modalités d’exercice, quel que soit le degré d’autonomie dont elles disposent dans leur activité, quelle que soit leur situation au regard du séjour en France. Pour des raisons de garantie d’anonymat, les prénoms ont été modifiés et nous ne publions pas l’origine du témoignage.

« Je me prostitue depuis 4 ans. Depuis la pénalisation des clients, je travaille la nuit, car la nuit il y a moins de contrôle de police [en direction des clients, mais aussi contrôles de papiers/contrôle liés au séjour]. Avant (il y a 2 ans), je travaillais dans la rue le jour. Je préférais travailler le jour, car la journée c'est plus sûr, et comme ça je peux dormir la nuit et travailler le jour. Cela m'inquiète plus de travailler la nuit, car il y a plus de personnes soûles [alcoolisés] dans la rue la nuit. C'est plus inquiétant et plus dangereux, car il y a plus de criminalité, plus de vols, la nuit. Les clients qui viennent la nuit sont plus dangereux.

Une autre conséquence, c'est que de nombreux clients réguliers que j'avais avant, n'osent plus venir. Et c'est dommage, car les clients réguliers sont les ''clients plus sûrs'', car on les connaît. Comme il ne reste plus que les ''mauvais clients'', ceux qui n'ont pas peur de la police, cela a un impact sur ma santé et ma sécurité. Car les ''mauvais clients'' sont ceux qui retirent les préservatifs pendant les rapports sexuels, et ceux-là, il y en a de plus en plus.

Mais, je ne peux plus travailler le jour, car il y a beaucoup moins de clients la journée, car ils ont peur de la police qui arrête les clients. Les ''bons clients'' sont ceux qui ont peur de la police. Et quand on a des clients la journée, la police nous suit jusqu'à notre porte et arrête les clients. Du coup, j'ai changé et maintenant je travaille la nuit, car la journée je ne gagne pas d'argent. Mais, je n'aime pas travailler la nuit, ça me fait peur."

Sophie