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Libération
Brève

Facebook des gilets jaunes : une étude, plusieurs interprétations

La Fondation Jean-Jaurès a publié les résulats d’une enquête sur les comptes de gilets jaunes. Une note dont les conclusions divisent.
publié le 23 janvier 2019 à 18h06
(mis à jour le 23 janvier 2019 à 18h27)

Dans une note d'une vingtaine de pages intitulée «En immersion numérique avec les gilets jaunes», la Fondation Jean-Jaurès analyse l'activité des gilets jaunes sur Facebook. L'étude s'intéresse surtout à Maxime Nicolle, alias Fly Rider, et Eric Drouet figures des gilets jaunes très actives sur les réseaux sociaux. L'auteur a travaillé à partir de leurs lives Facebook. Il s'est aussi appuyé sur les likes et commentaires rédigés par eux deux. S'ils en refusent l'étiquette et sont manifestement aidés dans leur tâche par des modérateurs et conseillers, il est évident qu'ils sont désormais les deux chefs des gilets jaunes. C'est l'hypothèse de travail que soumet Roman Bornstein, le journaliste de France Culture qui a rédigé la note. Une erreur, a minima, selon Aude Lancelin, directrice de publication du Média. Dans un édito, la journaliste a fustigé le besoin de la «gauche antisociale» de désigner comme «ennemis publics» les deux gilets jaunes, animateurs d'un mouvement «qui lui échappe sur le terrain». Ceux-ci ayant supprimé la quasi-totalité de leurs publications dès les premières semaines de mobilisation, l'auteur de l'étude a utilisé un site permettant de retrouver des posts supprimés. Il en ressort une porosité entre les affinités numériques de ces deux organisateurs et les sujets fétiches de l'extrême droite et des cercles conspirationnistes. Bien qu'eux-mêmes se revendiquent «apolitiques», la Fondation Jean-Jaurès estime que Drouet, décrit comme «factieux», se ferait le relais de la fachosphère complotiste en relayant à plusieurs reprises des publications «antimigrants». Et les publications relatives au RN «likées» par Nicolle refléteraient une adhésion aux idées du parti de Marine Le Pen. Sur Facebook, ce dernier a publié un message pour dénoncer ce «petit jeu médiatique pour lui coller une étiquette». «On peut tous se tromper. Surtout qu'avant octobre, je ne connaissais rien en politique. Je n'ai pas liké que du FN dans le passé, et ça ne veut pas dire que je cautionne leur connerie haineuse.» Cette culture politique naissante serait, pour certains observateurs, à l'origine d'erreurs de discernement, que les militants eux-mêmes veulent bien admettre. Roman Bornstein, lui, considère qu'il est «dangereux de considérer que Drouet et Nicolle ne savent pas ce qu'ils disent» :«Nicolle est intelligent, il faut le prendre au sérieux, contrairement à cette vision méprisante.»

Autre paramètre souligné par la note : le rôle du changement d’algorithme effectué en 2017 par Facebook. Pour pallier les défauts du précédent, qui aurait eu tendance à accélérer la propagation de fake news, Facebook a misé sur les publications des groupes plutôt que celles des pages. Résultat : au détriment des publications des médias traditionnels, les posts les plus susceptibles de créer de l’engagement sont mis en avant. Ils correspondent aux goûts et opinions des utilisateurs que l’algorithme a cernés. C’est le cas de nombreux articles sensationnalistes, peu signés et sourcés, dont on peine à retracer l’origine, et qui circulent beaucoup sur les groupes Facebook animés par les gilets jaunes.