«Telle que je l'ai mise en œuvre, l'étude du "populaire" consiste à prendre en compte la parole des subalternes, au sens gramscien du terme. Ces dominations peuvent être d'ordres très divers (sociales, économiques, culturelles…), dans des contextes historiques variables. Au XVIIe siècle par exemple, il faut à la fois considérer les esclaves (en tout cas ceux des Antilles, alors soumis à une définition juridique de l'esclavage), les protestants (pas forcément pauvres, mais dominés car il y avait une interdiction de pratiquer leur religion), et les mendiants (parce qu'ils n'avaient pas de travail, étaient mis dans les hôpitaux généraux et au bout de trois arrestations, envoyés aux galères). Il faut aussi garder en tête que l'histoire du populaire est faite "par le bas", mais toujours en prenant en compte les interactions entre dominants et dominés. Depuis peu, en France, il y a des recherches qui vont dans ce sens. Pour ce qui est de l'invisibilité ou non des classes populaires et de leur passé dans l'espace urbain, on ne peut pas dire que l'histoire soit occultée, le terme serait trop fort car ce n'est pas forcément volontaire, mais globalement, oui, elle n'est pas prise en compte.»
Michelle Zancarini-Fournel est l'auteure de Des luttes et des rêves, une histoire populaire de la France de 1685 à nos jours (Zones, 2016).