Michel Bampély : Lebreak dance vient d’être sélectionné comme discipline au JO de 2024. Commentpercevez-vous cette nouvelle ?
Aurélien Kairo : C'est magnifique. C'est une excellente nouvelle pour le Breakdance.C'est une forme de reconnaissance et une accessibilité directe au grand public.Partout dans le monde depuis son petit écran on pourra suivre les J.O deBreakdance. Cette discipline de danse Hip-Hop va prendre une dimension encore plusimportante.
J’ai néanmoins quelques inquiétudes car comment définiront-ilsles critères de jugement sur la dimension artistique de cette esthétique ?Actuellement, il existe plusieurs compétitions où la place de l’artistique estplus ou moins importante. Par exemple au Battle « Hip-Hop Games » laplace de l’artistique est indéniablement plus importante qu’un battle type « Battleof the Year » ou la dimension compétitive et sportive est plus mise en avant.Ce serait aussi une occasion formidable pour intégrer autour de la compétitiondes J.O de Breakdance une place pour la culture Hip-Hop et ses valeurs. (Sansêtre pathos bien sûr).
Sur le côté technique et sportive du Breakdance je suismoins inquiet. Les J.O sont une excellente compétition, ils vont rencontrertrès certainement des soucis comme ce fût le cas au début avec le patinageartistique. Il faut que l’organisation des J.O travaille avec les organisateursdes Battles qui ont cette expérience. J’ai moi-même organisé des Battles dontle tout premier en France en 1997 à Chaponost (69). Les critères de jugementclairs doivent être énoncés aux compétiteurs, aux juges et au public. C’est laclé de réussite pour un jugement impartial et audible pour le téléspectateur. Desjuges reconnus dans le milieu du Breakdance est indispensable et en même tempsce n’est pas suffisant. Il faut de la transparence et une âme à cette nouvellecompétition mondiale car il y en a déjà beaucoup d’autres en Breakdance.
Michel Bampély : Necraignez-vous pas que certaines fédérations ou organisations puissent prendrele pouvoir sur cette discipline aux dépens d’activistes de longue date ?
Aurélien Kairo : Non, car si ces nouvelles fédérations ou organisations netravaillent pas en étroite collaboration avec les acteurs et les organisateurs desgrands Battles internationaux, leur événement risque de faire un flop total. L'attentede cet événement va être énorme et l'exigence devra suivre tout autant. Le Battledes J.O pourrait décevoir et il sera déconsidéré dès le lendemain par lespratiquants de Breakdance dans le monde et d'ici les 4 prochaines années ont auradéjà oublié qu'il y avait eu un Battle aux J.O !
Aurélien Kairo (photo tous droits réservés)
Michel Bampély : Certainss’insurgent contre la récupération de cette discipline par la puissance publiquedepuis les années 1990. Les comprenez-vous ?
Aurélien Kairo : Non, je ne comprends pas, car en France nous avonsbeaucoup été aidés par la puissance publique pour développer notre art. Il suffitde voyager un peu pour s'en rendre compte. Pour répondre plus amplement, je me doisde faire un peu de pédagogie.
Il y a différents acteurs dans la culture Hip-Hop. Il y aceux qui travaillent avec les pouvoirs publics : Ils sont dans la culture etdans le socio-culturel. Grâce à ces acteurs passionnés du hip-hop et desvaleurs qui la constituent, elles sont un moyen fort pour construire et/ouparticiper à une politique culturelle. Il faut être en accord avec les pouvoirspublics et/ou dialoguer avec eux (ou s’opposer). Souvent beaucoup râlent et n’ontaucune conscience politique, c’est selon moi très important. Et puis il y a lesacteurs entrepreneurs avec des logiques que l’on retrouve dans le privé. Ilssont bien souvent directeurs d’école de danse, organisateurs d’événements de typegros Battle ou directeur d’une boite de production.
Pendant les années 90, beaucoup de ces acteurs étaienttrès critiques auprès des pouvoirs publics et pointaient du doigts certainesCie de danse hip-hop qui, selon eux, étaient trop subventionnées. Il faut biencomprendre que les pouvoirs publics ont eu besoin du Hip-Hop. Leur intérêt étaitde financer des projets socio-culturels sur un territoire. Financer unévénement pour remplir un gymnase avec gens qui viennent de toute la France lesintéressait beaucoup moins pour leurs objectifs territoriaux et c’est bien normal.Il faut le comprendre.
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Cependant, je suis très content qu’une économie privéepuisse aujourd’hui générer des bénéfices et engranger un tel succès auprès de notreculture Hip-Hop. C’est la preuve qu’il y a la place pour tout le monde. La puissancepublique a beaucoup aidé la culture Hip-Hop et sans doute un peu moins les organisateursd’évènements. De cette frustration beaucoup ont gardé une certaine amertume enversles pouvoirs publics. Leur discours résonnent pour moi comme un peu une vengeance.Je connais par cœur leur arguments « ils ne nous ont pas aidé, on a dû seconstruire et se structurer sans eux, on y est arrivé tout seul alors maintenantqu’ils ne viennent pas s’occuper de quoi que ce soit dans le Hip-Hop, c’estnotre culture et qu’ils ne viennent pas la récupérer ».Le refus du diplôme d’Etatpour enseigner la danse hip-hop est un parfait exemple.
Et puis comme dans tous les milieux il y a aussi lesaigris, les jaloux et ceux qui se complaisent dans le refus. Une façon quelque part de se venger de tout ce qu’ils n’ont pas réussi à créer ou entreprendre. Ilfaut dire que c’est difficile et là encore je ne veux pas les comprendre car ilfaut toujours rester positif, créatif et se battre sans oublier la base : Peace, Love, Unity and Havin’ Fun !