Le revenu universel est une idée de plus en plus populaire : aux Etats-Unis, Andrew Yang, candidat à la primaire démocrate pour l’élection présidentielle de 2020, en a fait le point central de son programme. Mais les détails qui transformeront cette idée en réalité concrète de terrain restent à déterminer. La Finlande a ainsi récemment publié les résultats préliminaires d’une expérimentation, tandis qu’aux Etats-Unis, l’Etat du Maryland examine une proposition de loi sur le sujet.
En Finlande, des chômeurs de longue durée ont été tirés au sort pour recevoir un revenu universel à la place des allocations chômage, qui est maintenu s’ils trouvent un emploi. En élaborant ce dispositif test, les Finlandais se demandaient s’il inciterait davantage les gens à reprendre un travail grâce à l’avantage que constitue le maintien sans condition de la somme versée, là où l’allocation chômage cesse quand on trouve un emploi.
Qu’en est-il des premiers résultats de l’expérimentation ? Ils montrent que le retour à l’emploi est le même chez les bénéficiaires du revenu universel et chez ceux des allocations chômage. On peut en conclure que si les Finlandais ne retournent pas à l’emploi, ce n’est pas pour pouvoir continuer à percevoir leurs allocations chômage, mais pour d’autres raisons. Si tel était le cas, la reprise d’emploi aurait été plus fréquente chez les bénéficiaires du revenu universel, puisqu’ils peuvent le conserver en plus de leur salaire. L’expérience montre donc que les allocations chômage n’encouragent pas les chômeurs de longue durée à rester au chômage, et que les causes du non-retour à l’emploi sont à chercher ailleurs. L’autre conclusion est que le revenu universel améliore le bien-être psychologique. Ceux qui ont eu la possibilité de le recevoir se sont déclarés moins stressés et en meilleure santé.
Malgré ces résultats préliminaires plutôt encourageants, le programme finlandais ne va pas se poursuivre, faute de volonté politique. Le revenu universel n’est pas une priorité pour le nouveau gouvernement dans la mesure où il ne facilite pas le retour à l’emploi des chômeurs. Le dispositif se trouve ainsi privé d’un argument de poids pour obtenir des financements, alors qu’il n’est jamais facile de trouver des deniers publics pour un nouveau programme.
Aux Etats-Unis, l’Alaska a mis en place une forme de revenu universel depuis 1982. Versée une fois par an sans condition à tous les résidents de l’Etat, la somme est un dividende de l’Alaska Permanent Fund, un fonds financé par les revenus tirés de l’exploitation du pétrole et des minéraux dans l’Etat. Le montant versé varie en fonction de la performance du fonds.
S’inspirant de cette expérience, Gabriel Acevero, un député de gauche de l’assemblée de l’Etat du Maryland, a introduit une législation pour créer un Fonds du peuple du Maryland qui, à terme, pourrait verser lui aussi des dividendes aux habitants. Les fonds proviendraient des nouveaux revenus que l’Etat peut désormais percevoir avec la légalisation du cannabis pour usage médical en décembre 2017. Les nouveaux revenus perçus par l’Etat constituent donc un bonus similaire à celui que l’Alaska a connu lors du boom pétrolier, bien qu’il soit d’ampleur beaucoup plus modeste. Puisque cette nouvelle source de revenu n’est pas encore allouée à un usage particulier, il est envisageable de l’utiliser pour des politiques innovantes, comme le revenu universel.
J'ai eu l'occasion de témoigner en tant qu'experte devant la commission des finances de l'Etat du Maryland le 1er mars pour éclairer les délégués sur les effets d'un revenu universel. J'ai expliqué qu'en Alaska, le revenu universel sous la forme de dividende ne diminue pas le taux d'emploi. De plus, la recherche montre que le revenu universel peut améliorer la santé et l'éducation des citoyens, avec des effets particulièrement bénéfiques pour les plus défavorisés.
On le voit bien, l’idée d’un revenu universel progresse. Vu le bilan des expérimentations menées, qui prouvent non seulement qu’il peut avoir des effets positifs mais aussi qu’il est possible de lui trouver des sources de financement, il ne serait donc pas surprenant qu’un modeste revenu universel, comme en Alaska, devienne bientôt réalité.
Cette chronique est assurée en alternance par Pierre-Yves Geoffard, Anne-Laure Delatte, Bruno Amable et Ioana Marinescu.