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Libération
Analyse

L’écologie doit rendre heureux

Un débat organisé par des universitaires montre un refus collectif d’aborder les thèmes écologiques par des mesures punitives.
publié le 12 mars 2019 à 18h56

Vendredi 22 février. Extrêmement douce pour la saison et assortie d’un épisode de pollution, la journée tombe à pic pour un débat autour du thèmeintituléNotre environnement, notre santé à l’université Paris-Descartes. Sous la houlette de Francelyne Marano, professeure de biologie cellulaire et de toxicologie, les chercheurs sont venus animer plus qu’informer, autour des trois thèmes qui se succèdent : villes et périphéries, alimentation, déchets. Dans la salle, les propositions sont nombreuses : reprendre la prime à la vache tondeuse pour un désherbage «naturel», ne pas oublier les piétons dans les modes de déplacements doux (il faut des trottoirs libres et des bancs !), acheter les semences agricoles hors des circuits contrôlés par les géants du secteur, concevoir des étiquettes plus claires sur les produits alimentaires, tant pour les éléments nutritifs que pour l’impact écologique, amplifier les efforts d’éducation des enfants contre le suremballage… N’en jetez plus !

La diversité des idées manifeste un refus de concevoir l’action écologique uniquement via les risques et l’approche punitive. «On ne peut considérer l’environnement uniquement comme une menace», affirme un participant en réaction à l’état des lieux nécessairement un peu sombre brossé par les universitaires pour présenter les enjeux du problème : spécialiste d’épidémiologie environnementale, le chercheur Denis Zmirou avait insisté sur l’impact de l’environnement (bruit, pollution…) sur la santé, quand son collègue biogéochimiste Eric van Hullebusch évoquait la quantité de déchets plastiques et microplastiques dans les océans. Résultat : face aux industriels, la stratégie de la carotte l’emporte sur celle du bâton. Un étudiant en biochimie propose de subventionner et valoriser les produits alimentaires exemplaires du point de vue de la qualité, rejoint par une proposition de TVA réduite sur les produits de consommation utilisant moins d’emballage.

On entend aussi parler de «low-tech» (des technologies faciles à maîtriser que l’on sera content de trouver lorsque les produits high-tech seront inutilisables faute de ressources pour les fabriquer et les faire fonctionner) et de «sobérisation» (une utilisation moins importante des ressources), des mots qui avaient jusqu’ici tendance à rester cantonnés dans des pensées plus radicales de l’écologie, à une époque où l’idée de développement durable avait le vent en poupe. Mais ces idées ne font pas l’unanimité. Lorsqu’une intervenante demande : «Pourquoi ne pas revenir à des méthodes d’agriculture anciennes, en les rendant plus efficaces grâce à nos connaissances technologiques, puisqu’on va devoir sortir du pétrole de toute façon ?» le modérateur Robert Barouki, médecin, intervient : «Revenir à des techniques anciennes, c’est bien, mais je pense qu’il faut aussi profiter de toutes les avancées scientifiques.»

Et le pouvoir politique ? Son manque de vision d’ensemble inquiète : à propos du réseau de transport du Grand Paris, une architecte regrette des «réflexions mono-orientées» qui n’ont pas assez permis de faire des gares des pôles où l’on passe facilement d’une mode de transport (voiture, vélo) à l’autre (métro, train). Un autre intervenant, qui travaille au ministère de l’Ecologie, appelle à penser toutes les questions environnementales à l’échelle des métropoles : «Il faut une autorité centrale, sinon on agit au cas par cas avec une absence de cohérence.» Si les transports et les nouveaux plans locaux d’urbanisme intercommunaux vont dans ce sens, on en est loin dans le domaine «santé et environnement». Enfin, un participant appelle à éviter le grignotage des terres agricoles face à l’urbanisation : «Si on veut développer des circuits cours proches des villes, il faut des politiques publiques qui aillent dans ce sens», conclut-il.Il n’y a plus qu’à.