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Chronique «Politiques»

Européennes 2019 : le bal des débutants

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Pour les élections du 26 mai prochain, les leaders des années 2000 n’apparaissent plus. Place aux novices, François-Xavier Bellamy, Manon Aubry ou Jordan Bardella.
François-Xavier Bellamy, lors du conseil national de LR, samedi. (Photo Bruno Amsellem pour Libération)
publié le 27 mars 2019 à 18h36

Les élections européennes qui auront lieu dans deux mois seront sans doute les plus décisives de notre courte histoire commune sur le plan communautaire et à coup sûr les plus originales sur le plan national. Les citoyens des pays membres de l'Union votent ensemble tous les cinq ans depuis 1979, il y a quarante ans. Jamais ils n'ont eu à le faire dans de pareilles circonstances. Le Brexit désormais imminent constitue un échec grave et une amputation douloureuse pour l'Europe, une catastrophe pour les Britanniques. La montée continue des populismes sur le Vieux Continent représente à la fois un défi démocratique et une menace directe pour l'Europe. Sa dimension nationaliste, voire xénophobe, tourne le dos aux valeurs européennes, met en péril cohésion, convergences et handicape lourdement toute prise de décision collective, déjà le perpétuel talon d'Achille de l'Europe. Si l'on ajoute à cela le fait que les Etats-Unis de Donald Trump, la Russie de Vladimir Poutine et la Chine de Xi Jinping s'attaquent frontalement au multilatéralisme pour revenir à une politique de puissance tout droit sortie du XIXe siècle, on peut trop aisément démontrer que les élections du 26 mai seront des élections de crise cruciales.

Sur le terrain national, le vote de mai prochain sera le plus original que nous ayons connu à l’occasion d’élections européennes. Jamais, hormis justement les premières élections européennes de 1979, qui avaient vu le très fort engagement personnel du président Valéry Giscard d’Estaing, jamais un chef de l’Etat français n’avait déployé et revendiqué la bannière européenne comme le fait Emmanuel Macron. La seule comparaison possible serait avec François Mitterrand mobilisant ses ultimes forces lors de la campagne du référendum de Maastricht. Depuis, aucun président n’était entré aussi théâtralement en lice à l’occasion des élections européennes qu’Emmanuel Macron cette année. Tribune flamboyante dans toute la presse européenne, ce qu’aucun chef d’Etat ou de gouvernement des 28 n’avait osé faire auparavant, engagement intense en faveur d’une «renaissance de l’Europe», volonté de participer activement à la campagne et de se tailler à cette occasion un rôle particulier à Bruxelles, ces élections européennes prennent ainsi un air de scrutin présidentiel intermédiaire, ce qui ne manquera pas d’animer et de durcir le débat. La campagne qui commence sera plus vivante, plus significative et plus dure que d’ordinaire. Enfin une campagne à l’échelle des enjeux européens.

Ce n’est pas la seule particularité de ces élections en France. Ici, les élections européennes de 2019 se présentent, en effet, comme des élections de profond renouvellement, de net rajeunissement. En ce sens, des élections qui marquent un changement de génération politique, comme on en a connu en 1958, en 1968, en 1981 ou en 2007. En France, la campagne des élections européennes de 2019 ressemblera au bal des débutants. Lorsqu’on détaille les noms des têtes de liste, on constate que toutes les listes actuellement créditées de plus de 5 % des intentions de vote sont conduites par de nouveaux venus ; jadis et naguère, c’étaient les leaders des partis ou au moins des figures symboliques et populaires qui prenaient la tête des listes. Cette fois, ce sont exclusivement de nouveaux venus : Nathalie Loiseau pour La République en marche, Jordan Bardella pour le Rassemblement national, François-Xavier Bellamy pour Les Républicains, Manon Aubry pour les Insoumis, et encore Yannick Jadot, Raphaël Glucksmann, Jean-Christophe Lagarde, Benoît Hamon ou Ian Brossat. Tous nouveaux, tous novices, tous débutants.

On pourrait penser que c’est un signe d’indifférence vis-à-vis d’une consultation qui, jusqu’ici, ne passionne pas les foules. Il s’agit heureusement d’un phénomène tout autre. Bien entendu, certains chefs de file en difficulté ont voulu se protéger en s’abstenant (le cas le plus typique étant évidemment Laurent Wauquiez). D’autres, ligotés par la fin du cumul des mandats, ne veulent pas abandonner leur mandat national. Au-delà, ce qui frappe, c’est la nouveauté générale des visages et des styles. C’est là que résident le changement de génération et le rajeunissement. Si la sélection avait été fondée sur l’indifférence, les postes auraient été confiés - il y a des précédents - à des seconds couteaux ou à des leaders sur le déclin. Cette fois, pas du tout. Chaque famille politique a choisi le renouvellement et plusieurs, l’audace : Bellamy, Aubry, Bardella. Le coup de jeune symbolisé par l’élection de Macron, par la sélection de son entourage et par la marée de nouveaux élus y est pour quelque chose, cela va de soi. Mais aussi la montée en puissance d’une génération 2017. La brèche ouverte, il y a deux ans, a permis cette relève. Les grands leaders des années 2000 s’éloignent irrésistiblement. Une nouvelle vague s’avance. Intéressante.