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Libération

Notre-Dame de Paris et l’ex-première dame

Contrairement à ce qu’a déclaré Michelle Obama, ancienne First Lady en voyage à Paris pour promouvoir son dernier livre, Notre-Dame n’est pas seulement un «symbole de la nation».
publié le 26 avril 2019 à 17h56

La destruction des grandes œuvres d’art est une perte bien au-delà des pays ou religions auxquelles elles sont censées appartenir. Elles sont l’expression de ce que l’humanité est capable de donner de mieux, d’une sublime générosité susceptible de nous faire oublier - pendant que nous les admirons tout au moins - que nous appartenons à une espèce prédatrice et criminelle. C’est ainsi, en substance, que le monde a réagi lorsqu’il apprit que la cathédrale de Notre-Dame de Paris avait brûlée.

Le monde, certes, mais pas l'ancienne première dame des Etats-Unis, Michelle Obama, présente à Paris au moment de l'incendie pour faire la promotion de son ouvrage Devenir (Fayard) écoulé à plus de dix millions d'exemplaires dans les dizaines de langues dans lesquelles il a été traduit. «Voir le symbole d'une nation s'effondrer, dit-elle. Je sais ce que c'est […]. Nous devons être forts, nous devons rester unis. Notre-Dame va être rebâtie.»

En bref, à ses yeux, l'incendie accidentel du joyau de l'architecture gothique qui ne provoqua aucun mort est comparable aux attentats du 11 Septembre et notamment à la destruction des Twin Towers bâties en 1973, et la cathédrale ne serait qu'un «symbole d'une nation». Notre-Dame représente pour elle la France car «Paris a été mon premier voyage à l'étranger étant petite», un simple point de vue de touriste. La cathédrale serait un symbole de la France au même titre que les petites statuettes de la tour Eiffel et les bateaux-mouches. On a le droit aussi de manquer absolument de sensibilité artistique, de ne pas s'émouvoir devant les plus grands exploits de l'esprit humain.

Toute la question est de savoir comment et pourquoi cette femme fut acclamée par 20 000 spectateurs à Bercy, pourquoi son livre se trouve en tête des ventes d’essais et de documents en France, de ce pays qui pleure pour l’incendie de Notre-Dame. Selon le magazine M, le couple Obama aurait multiplié par 30 ou par 100 la fortune qu’il avait au moment d’accéder à la Maison Blanche. Mais ce n’est sans doute pas de sa «faute», plutôt celle des gens qui payent des fortunes pour les conférences ou qui achètent les livres de ceux que le hasard a mis au sommet de la politique mondiale pendant quelques années. C’est une drôle de corruption qui consiste à tirer des profits économiques fabuleux d’un poste politique, non pas en volant l’argent du contribuable, mais en incitant ce dernier à le lui donner volontairement. Qui plus est, sous les plus vives acclamations. Mais ne s’agit-il pas au fond d’un détournement, d’une perversion de l’idée démocratique de l’élu comme serviteur du peuple, comme mandataire désintéressé de la volonté de ce dernier ? Est-ce que cela compte vraiment que l’on s’enrichisse pendant ou après la fin de son mandat ? N’est-il toujours pas le fait de devenir milliardaire qui incite les gens à briguer les postes de plus hauts, les plus cruciaux des pays démocratiques ?

Cette chronique est assurée en alternance par Paul B. Preciado et Marcela Iacub.