Tribune. Comme chacun sait, le nœud coulant est l'instrument le plus subtil de la pendaison. Plus le condamné se débat, plus le nœud se resserre. On peut faire durer la torture mais l'issue est inévitable. Une récente déclaration du ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, qui propose la suppression de la redevance audiovisuelle pour la remplacer par une dotation budgétaire, illustre parfaitement la métaphore du nœud coulant. Elle fait peser de lourdes menaces sur l'avenir du service public et peut entraîner à terme sa perte.
Cette suggestion s’ajoute aux incertitudes qui pèsent sur une réforme annoncée de l’audiovisuel public dont on ignore tout.
Une évidence s’impose. Le paiement d’une redevance par tous les détenteurs d’un poste de télévision présente l’avantage de garantir une ressource stable et prévisible sur le moyen terme pour des entreprises qui doivent fortement investir dans la production pour accomplir leurs missions d’intérêt général.
D’ailleurs ce mode de financement est pratiqué par nos voisins européens l’Allemagne et le Royaume-Uni qui n’envisagent absolument pas d’y renoncer. Au surplus, l’argument selon lequel la perception de la redevance deviendrait impossible en raison de la suppression de la taxe d’habitation à laquelle elle est rattachée apparaît comme un alibi qui manque de sérieux. Les services de Bercy ne manqueraient pas de proposer une autre solution pour la collecte de cette taxe.
On sait d’expérience que l’octroi d’une dotation budgétaire signifie que, chaque année, les services de Bercy la moduleront en fonction des contraintes financières de l’Etat et non pas en tenant compte des besoins de l’audiovisuel qui, pour eux, ne seront jamais une priorité. Une telle réforme ne peut donc que déboucher sur une impasse financière et un déclin de la qualité de l’offre de programmes. Un autre risque serait le recours à des recettes supplémentaires de publicité alors que tous les gouvernements précédents se sont efforcés de réduire cette part des recettes.
Il est aussi préoccupant de constater que les pouvoirs publics envisagent de remettre en cause le financement de la radio et de la télévision, sans pour autant formuler des propositions constructives sur leur statut et leur organisation. Or, le service public a un rôle majeur à jouer dans la société française. Ses services d’information sont très écoutés et regardés comme en font foi les mesures d’audience de France Inter, France Info et des journaux de France 2. Par ailleurs, France Télévisions, qui réunit en moyenne près de 30 % des téléspectateurs, doit poursuivre une politique d’investissement dans la fiction qui est un outil important de dialogue culturel et social. On peut et on doit attendre du service public des prestations que le secteur privé ne sera jamais capable de fournir. On ne peut donc que souhaiter la mise en place rapide d’une réforme qui pérennise les ressources de l’audiovisuel public et lui donne les moyens de continuer à informer et à créer pour tous les Français.