L'ouvrage de Catherine König-Pralong retrace l'histoire de la philosophie au XVIIIe et XIXe siècles dans un contexte institutionnel et universitaire en Europe. La colonie philosophique revisite la constitution d'une interdisciplinarité qui caractérise la formation du système des disciplines modernes. L'enjeu principal de l'œuvre est de proposer une recherche sur les présupposés intellectuels, les sciences historiques et culturelles, qui ont abouti à une construction identitaire fondée sur des modèles sociaux et civilisationnels. Les savants et les scientifiques, se croyant alors chargés d'une mission politique et civilisatrice en direction du reste du monde, désignent l'Occident comme territoire exclusif de la rationalité réflexive et analytique. « Le présent livre n'enquête pas sur la philosophie directement, mais sur l'une de ses propriétés émergentes modernes, une sous discipline qui apparaît autour de 1700 en Allemagne, puis s'institutionnalisant autour de 1800 en Europe ». L'un des grands chantiers des historiens de la philosophie, fut la colonisation du passé comme ressort de l'invention de la modernité. C'est le cas de la Grèce antique pour les historiens allemands ou du Moyen Âge inventé par les humanistes italiens. Si l'essai n'efface pas tous les questionnements autour des processus de domination de la pensée occidentale sur d'autres courants concurrents comme la tradition africaine ou orientale, l'auteure présente une étude très documentée sur le projet d'une colonie philosophique à vocation impérialiste.
Catherine König-Pralong, La colonie philosophique. Écrire l’histoire de la philosophie aux XVIIIe-XIXe siècles, Paris, EHESS, coll. « En temps & lieux », 2019