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Libération
TRIBUNE

L'urgence écologique doit être la nouvelle inspiration pour notre siècle

Le 9 mai, date anniversaire de la déclaration Schuman, symbolise la sortie de la guerre pour l'Europe. Des priorités aussi puissantes s'imposent aujourd'hui pour refonder l'Europe.
L'activiste Luisa Marie Neubauer et Greta Thunberg (droite), à la marche «Fridays for Future», le 29 mars à Berlin. (TOBIAS SCHWARZ/Photo Tobias Schwarz. AFP)
par Lucile Schmid, Candidate sur la liste «Urgence Ecologie», conduite par Dominique Bourg. et Henri Malosse, candidat sur la liste «Urgence Ecologie», conduite par Dominique Bourg. ancien Président du Comité Economique et Social Européen ( 2013-2015), Administrateur de l’association Jean Monnet (AJM)
publié le 9 mai 2019 à 8h39

Tribune. La déclaration présentée par Robert Schuman le 9 mai 1950 devant l'Assemblée nationale, préparée par Jean Monnet et ses équipes, était avant-gardiste et visionnaire. Elle est considérée comme l'un des fondements de la construction européenne qui devait être progressive et commencer par la création d'une organisation européenne chargée de mettre en commun les productions française et allemande de charbon et d'acier : «l'Europe se fera par des réalisations concrètes, créant d'abord une solidarité de fait». Près de soixante-dix ans plus tard, l'Union européenne est démodée et sans vision. Qu'est-il arrivé ?

D’abord d’un texte clair et engagé de sept pages nous sommes passés à un traité de 7 000 pages, incompréhensible et contradictoire. La technocratie est devenue le moteur de Bruxelles et justifie désormais toute proposition par un «Il faut sauver l’Europe» pour se sauver elle-même. Les lobbys sont partout jusqu’aux couloirs du Parlement européen. On en compte autant que de fonctionnaires. Par lâcheté, par routine, par facilité, les Etats ont laissé faire. Ignorés, méprisés, les citoyens européens sont absents. Quand la crise financière, venue d’ailleurs, a touché de plein fouet la Grèce, ce sont aux petits retraités, aux femmes seules, aux jeunes que l’Europe a demandé de faire des sacrifices, et non aux banques qui ont été largement dédommagées. Quand des associations ont pris au mot l’Union européenne avec son «Initiative citoyenne européenne» en proposant, avec près de 2 millions de signatures, une loi-cadre pour s’opposer à la privatisation de l’eau, la Commission européenne l’a mise aux oubliettes.

Il y a une urgence démocratique européenne. Les élus du 26 mai devront «renverser la table» et mener une «guérilla» permanente contre cet éloignement du peuple qui fait le jeu des intérêts privés, en s’appuyant sur les expertises de la société civile et les mobilisations citoyennes. Nous ne rêvons pas d’un «grand soir» avec un nouveau traité ou on ne sait quelle nouvelle convention. Mais nous préconisons des plates-formes d’action pour un changement radical de gouvernance, qui s’appuiera sur les citoyens, les élus, les territoires et les Etats, formant ainsi une chaîne de solidarité. Nous proposerons de donner une seconde vie, européenne, au référendum d’Initiative citoyenne, enterré par Emmanuel Macron. Comme le font déjà avec grand succès les pays nordiques avec les «festivals de démocratie», nous mettrons en place des lieux et des forums où les citoyens pourront nous interpeller à tout moment. A partir de luttes sur des sujets précis, comme l’ont été l’eau ou l’interdiction du glyphosate, nous constituerons une nouvelle coalition d’idées capable de devenir majoritaire en Europe.

Car si c’est le rêve de paix qui a uni les fondateurs de l’Europe en 1950, c’est bien l’urgence écologique qui doit nous mobiliser aujourd’hui. Nous voyons bien que les espoirs de la COP21 de voir la France et l’Europe devenir les leaders du réveil de la planète se sont envolés. La France ne respecte même pas ses propres engagements. Ce n’est pas seul le changement climatique qui menace, mais c’est aussi la biodiversité qui disparaît et un choc démographique qui va nous submerger. Ni les «plans Marshall verts» ni les «New green deal» jonglant avec des milliards qu’on ne trouvera pas ne répondent à ces défis. Nous réclamons que l’urgence écologique devienne la tâche primordiale de l’Union européenne et qu’elle modifie fondamentalement ses politiques pour y répondre. La politique agricole commune devrait cesser de subventionner les productions industrielles qui utilisent des pesticides et font fi des souffrances animales, privilégier la qualité plutôt que la quantité. La Commission européenne, qui vénère le Dieu «libre-échange», devrait être amenée à reconnaître les méfaits sociaux et environnementaux d’une mondialisation qui nous fait consommer des petits pois venus de Chine, acheter du gaz de schiste aux USA et perpétuer l’exploitation de la misère du monde.

On prête souvent, d'ailleurs à tort, à Jean Monnet la phrase suivante : «Si c'était à refaire, je commencerai par la culture.» Il ne s'agit pas de refaire même si la paix est un bien fragile, menacé à tout instant. En ce 9 mai 2019, nous disons : l'Europe des peuples reste à faire ; Terriens d'Europe, unissons-nous face à l'urgence écologique !