Ce 2 juin est la journée internationale pour les droits des travailleurSEs du sexe. Elle est célébrée depuis l’occupation de l’église Saint-Nizier à Lyon en 1975 par des travailleuses du sexe protestant contre la répression policière, un événement français ignoré en France mais au retentissement international.
Peu de gens en France célèbrent cette date car l’heure est plutôt à la déprime. La pénalisation des clients a considérablement affecté les différentes communautés de travailleurSEs du sexe. La précarisation, les violences et les problèmes de santé en découlant ont sapé le moral des plus combatives. La Question Prioritaire de Constitutionnalité a représenté un espoir pour beaucoup de personnes qui voyaient bien à quel point la voie parlementaire était bloquée faute de courage politique et d’une stigmatisation consistant à détruire les carrières et le pouvoir de toute personne soutenant la décriminalisation du travail sexuel. Or, le Conseil Constitutionnel s’est révélé une instance politique comme une autre, maintenant le statut quo, sans chercher à défendre l’intérêt de la justice et des plus faibles.
Tout le monde attend le rapport d'évaluation gouvernemental qui ne vient pas, faute d'un quelconque bilan positif à publier. Les représentants de la police expliquent dans la presse à quel point l'exploitation des mineurs et la traite des êtres humains a augmenté, mais personne ne veut faire le lien avec un éventuel échec de la loi. L'étude d'Hélène Le Bail du CNRS et de Calomero Giametta de l'université d'Aix-Marseille est diffamée par les défenseurs de la loi car ces chercheurs ont eu le malheur de demander leur avis aux travailleurSEs du sexe sur l'impact de la loi sur leur vie, qualifiant cette approche de biais méthodologique.
Il y a néanmoins des raisons de continuer les luttes et des victoires sont à l’horizon. Le mouvement des travailleurSEs du sexe n’a jamais été aussi fort et visible, en partie grâce à l’outil d’Internet et des réseaux sociaux, En 2019, on constate des actrices porno, camgirls, strippers, escortes et travailleurSEs de rue se retrouver sous la même qualification de «travail du sexe», se rencontrant dans des événements par & pour, se soutenant et se mobilisant ensemble de plus en plus, alors que chaque secteur des industries du sexe était autrefois très séparé l’un de l’autre.
Les mouvements féministes sont en pleine recomposition et les travailleuses du sexe et leurs organisations sont de plus en plus invitées à donner leur propre analyse de leur oppression de genre, à participer à des événements toujours plus nombreux et faire partie de «blocs» dans des marches afin de permettre leur inclusion et visibilité malgré l’hostilité des féminismes abolitionnistes, mainstream et carcéral.
Au niveau international, la ville-état de Mexico vient d’annoncer sa volonté de décriminaliser le travail sexuel, tout comme plusieurs états australiens et des Etats-Unis discutent de nouvelles lois en ce sens. L’Afrique du Sud pourrait être le prochain pays à décriminaliser entièrement le travail du sexe puisque le parti majoritaire au pouvoir et le président du pays ont pris publiquement position en sa faveur. Les différentes agences des Nations Unies soutiennent toujours la décriminalisation malgré des campagnes très fortes de lobbying de la part des prohibitionnistes. Toutes les grandes ONGs en faveur de la santé et des droits humains appellent également à décriminaliser, ainsi que de plus en plus de célébrités comme récemment l’actrice Susan Sarandon, autrefois abolitionniste, mais qui a changé d’avis après avoir constaté l’échec des lois FOSTA/SESTA aux Etats Unis à cause de l’amalgame fait entre traite des êtres humains et toute forme de travail du sexe.
Ce mois de juin est aussi un mois de fierté qui fête les 50 ans de Stonewall, révolte contre la brutalité policière et la criminalisation des personnes LGBTIQ+, menée à l’époque justement en grande partie par des travailleuses du sexe trans. Comme chaque année, le mois de juin est aussi le moment des Putains de Rencontres, événement national rassemblant des travailleurSEs du sexe de toute la France, et des pays voisins, qui aura lieu cette année à Paris.