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Blog «Ma lumière rouge»

Une femme poignardée dans Paris, la réaction (hypocrite?) de Pécresse et Hidalgo

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La lutte contre les violences faites au travailleuses du sexe deviendra t'elle enfin un sujet politique?
Le collectif SWAG Sex Worker Autodefensa Group
publié le 16 juin 2019 à 19h05
(mis à jour le 16 juin 2019 à 19h20)

Vendredi après midi, nous apprenions l’attaque au couteau d’une jeune femme de 28 ans au Bois de Boulogne. Un article du Parisien décrivait son état comme critique, entre la vie et la mort. Cette agression est d’autant plus triste que cela fait des mois que nous alertons sur l’augmentation de ces violences. En août 2018, dans le même Bois de Boulogne, Vanesa Campos était assassinée.

Madame Schiappa avait organisé un rendez vous avec la DILCRAH pour voir comment améliorer les choses et cela n’a abouti sur rien. Sans doute occupée aux 24 heures du Mans, elle n’a a priori toujours pas réagi à cette attaque.

Mesdames Pécresse et Hidalgo se sont elles en revanche exprimés sur Twitter.

Madame Pécresse réagissant la première (peut être un peu vite) en parlant de «meurtre»:

Suivie quelques minutes plus tard par Madame Hidalgo:

Ces réactions sont un peu une nouveauté car il est jusqu’ici très rare que des personnalités politiques de ce rang s’expriment sur les violences commises contre les travailleuses du sexe. Le contexte des municipales approchant explique peut être cela. Mais ce qui pose question est la sincérité de ces réponses. En effet, les politiques et votes menées par ces femmes politiques ont toujours été contre les travailleuses du sexe et leurs revendications.

Madame Pécresse a voté pour la pénalisation des clients en tant que députée et ne mène pas une politique favorable aux femmes précaires et aux minorités. Madame Hidalgo est une soutien de longue date à la pénalisation des clients et applique également une politique municipale très répressive contre le travail du sexe à Paris: arrêtés municipaux dans les bois de Boulogne et Vincennes, harcèlement policier à Belleville, contrôles à Château Rouge et ailleurs, et un maire PS du 13ème qui va jusqu’à filmer des travailleuses du sexe pour diffuser leur image (non floutée) sur Internet avec toutes les répercussions que cela peut avoir sur leur vie. Le «soutien entier» dont elle parle ne parait pas vraiment crédible...

Dans cette lettre adressée aux habitants du 18 ème arrondissement, la maire de Paris affirme «concernant la prostitution», demander la répression des propriétaires des appartements des travailleuses du sexe, et d’assurer la présence policière dans l’espace public pour la tranquillité des riverains.

Cours d'autodéfense, accompagnement juridique, système d'alertes, les travailleuses du sexe s'organisent via le projet Jasmine et d'autres groupes contre les violences sans aucun soutien politique ou financier de la part des autorités. En cause, le fait que ces actions soient dirigées par des travailleuses du sexe elles mêmes et que la classe politique reste pétrie dans une idéologie abolitionniste qui interdit toute «aide à la prostitution» censée être abolie et non aménagée pour plus de sécurité.

Le STRASS (Syndicat du Travail Sexuel) dénonce cet état de fait en comparant la lutte contre les violences à la lutte contre le sida;

La mort de Vanesa Campos en août dernier, aura permis de sensibiliser le public, mais les législateurs restent en retard sur la société. La « sortie de la prostitution » ne peut pas être l'unique réponse du gouvernement et des autorités. Il est temps d'accepter dans le champ de la lutte contre les violences qu'il est possible de réduire les risques, comme nous l'avons fait dans le champ de la lutte contre le sida à partir des années 1980-90. Là aussi, il s'agit de vie ou de mort. Là aussi, il faut changer de paradigme.

Tout miser sur l’abstinence et l’arrêt du travail sexuel ne semble pas fonctionner car le nombre de travailleuses du sexe continue d’augmenter, y compris pour les victimes de traite et l’exploitation des mineurs. Les politiques de pénalisation ont cependant eu pour conséquence des violences toujours en hausse à cause d’une précarité plus forte et donc d’un pouvoir de sélection affaibli, des déplacements des scènes de travail sexuel vers des endroits plus reculés, et d’un isolement et donc d’une moindre entraide entre travailleuses du sexe.

Il faut croire que la mort des travailleuses du sexe est préférable au fait d’envisager toute amélioration des conditions de travail au risque de laisser penser qu’on tolère l’existence de la «prostitution», mais donc aussi la leur au passage.