Aux Etats-Unis, le taux de chômage tourne autour de 4%, un niveau inférieur à ce qui avait été enregistré avant la crise de 2007-2008. De ce fait, les entreprises ressentent une pénurie de main-d’œuvre et elles se tournent vers les prisons pour recruter. Les recruteurs organisent ainsi de véritables foires à l’emploi en prison, afin de recruter les détenus qui sont sur le point de sortir. Ces foires donnent une nouvelle chance à des gens qui ont traditionnellement des difficultés à retrouver un emploi.
Généralement, les entreprises évitent quand même d’embaucher d’anciens délinquants pour des postes qui les mettent en contact avec la clientèle ou des postes nécessitant la manipulation d’argent liquide. Les employeurs sont particulièrement préoccupés par leur responsabilité devant la justice dans le cas où l’ancien délinquant commettrait un nouveau crime à l’encontre d’un client. Pour cette raison, les ex-délinquants ont plus de chances d’être embauchés dans l’industrie, la construction et les transports. En effet, la plupart des emplois dans ces secteurs ne nécessitent pas d’interaction directe avec les clients.
Après une croissance économique de plus de dix ans aux Etats-Unis, le taux de chômage est très bas et les entreprises hésitent moins à embaucher des gens auxquels elles n’auraient pas forcément donné une chance dans d’autres circonstances. Quand le taux de chômage est très bas, on dit dans le jargon des économistes que le marché du travail est en tension : il y a peu de demandeurs d’emploi par rapport au nombre d’offres d’emploi. Il faut imaginer une file d’attente : quand le marché est peu tendu, ce sont ceux qui sont au-devant de la file, les plus qualifiés et les plus expérimentés, qui vont trouver un emploi en premier. Quand le marché devient de plus en plus tendu, les gens vers la fin de la file d’attente, comme les ex-détenus, peuvent enfin avoir une chance.
Pourquoi les anciens détenus seraient-ils à la fin de la file d’attente de l’emploi ? Ce n’est pas seulement la question des risques qui inquiète les employeurs. En effet, les ex-détenus ont aussi tendance à être des hommes peu scolarisés : ils feraient face à des obstacles à l’emploi même sans casier judiciaire. La recherche montre que les employeurs dans le passé n’étaient pas si disposés à embaucher des ex-détenus lorsque le marché du travail était tendu (1). Mais aujourd’hui, le marché est exceptionnellement tendu. Dans la mesure où les entreprises embauchent plus d’ex-détenus, c’est une bonne nouvelle car cela contribue à réduire les chances que ces derniers récidivent, et donc à réduire la criminalité.
Malgré ces vents favorables pour l’embauche des plus défavorisés, il reste encore beaucoup à faire pour augmenter leurs salaires. Après la génération née en 1960, les salaires moyens des hommes ont diminué génération après génération (2). Les tendances positives actuelles sont un soulagement mais elles n’ont pas encore compensé les pertes passées.
Une des solutions pour donner un coup de pouce aux salaires est d’augmenter le salaire minimum. Augmenter le salaire minimum aide les travailleurs les plus défavorisés (3). De plus, si la recherche montre que l’augmentation du salaire minimum réduit la récidive et donc criminalité : une augmentation de 1 % du salaire minimum réduit également de 30 % le retour en prison dans l’année (4).
Au final, les Etats-Unis ont connu une croissance soutenue qui a diminué le chômage et augmenté la tension sur le marché du travail. Grâce à cette situation, les ex-détenus ont finalement une meilleure chance de retrouver un emploi. Mais en même temps, la croissance des salaires est presque nulle aux Etats-Unis et historiquement, les plus défavorisés ont même vu une baisse de leurs salaires. Malgré un chômage extrêmement bas, il y a donc encore beaucoup à faire pour rendre aux Américains les plus défavorisés leur pouvoir d’achat. Il sera intéressant de suivre les propositions des candidats à la présidentielle américaine sur ce sujet.
(1) https://gspp.berkeley.edu/research/selected-publications/the-effect-of-an-applicants-criminal-history-on-employer-hiring-decisions-a.
(2) https://www.nber.org/digest/aug17/w23371.shtml.
(3) https://www.dropbox.com/s/9lotsq60qfw4cw5/CDLZ_qje.pdf?dl=0.
(4) https://www.nber.org/papers/w25116.
Cette chronique est assurée en alternance par Anne-Laure Delatte, Ioana Marinescu, Pierre-Yves Geoffard et Bruno Amable.