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Blog «GreyPride»

Qui veut s'occuper encore des vieux ?

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Que ce soit en institutions (EHPAD, résidences autonomies...) ou dans l'aide à domicile, on n'arrive plus à recruter. Il serait temps de se demander pourquoi !
Reiser Illustration dans le magazine MATHUSALEM
publié le 10 juillet 2019 à 16h26
(mis à jour le 10 juillet 2019 à 16h37)

Selon une étude de l’EHPA, plus d’un EHPAD sur deux a des difficultés pour recruter. 45% des structures d’aide à domicile déclarent refuser des missions d’aide au domicile faute de personnel.

Posons nous la question de savoir pourquoi cette désaffection ?

Des rémunérations au plancher

Bien sûr le faible niveau de rémunération est une des causes. La grande majorité des aides à domicile ou des aides soignant-e-s sont rémunérés au niveau du SMIC et beaucoup d’entre eux sont en dessous du niveau de pauvreté. Mais c’est loin d’être la seule raison.

Des horaires fractionnés

L’aide à domicile ne prend en compte que le temps passé au domicile d’une personne. Ainsi les salariés de ce secteur courent d’un appartement à un autre sans que soit pris en compte dans leur temps de travail tous leurs déplacements. Ainsi pour arriver à avoir l’équivalent d’un temps plein, il faut passer des heures sur les routes ou dans les transports en commun.

Des rythmes incompatibles avec la qualité du travail

De plus en plus l’organisation du travail des aides soignantes est chronométré, calibré, compté... Tous les gestes de soin ou d’aide sont répertoriés et ne permettent plus de s’adapter au rythme des personnes à aider dans leurs gestes quotidiens : se lever, se nourrir, se laver, se déplacer... En plus du stress généré par cette gestion du travail, ces méthodes dévalorisent la vision de leur métier : la qualité du travail à effectuer ne peut se faire que dans le respect du rythme des personnes âgées et non le contraire.

Pas d’évolution professionnelle

Aide-soignante un jour, aide-soignante toujours... Les possibilités d’évolution en terme de mission ou en terme de public à aider sont rares. On peut considérer ce métier comme un sacerdoce, mais en général tout individu souhaite pouvoir évoluer dans sa vie professionnelle, cette évolution étant aussi ressentie comme une reconnaissance du travail accompli.

Une image sociale désastreuse

Au lieu d’avoir un regard admiratif sur ces métiers, notre société ne renvoie que des images dégradées et négatives. Parler de son métier n’a rien de prestigieux dans le regard porté par les gens en général. «Je suis aide soignante en EHPAD» ce traduit dans l’esprit des gens par «Tu laves le cul des vieux et des vieilles toute la journée». Le mépris d’une profession qui au contraire devrait être admirée est significatif de l’acceptation de la vieillesse dans notre société.

Des salariés maltraités et en souffrance

Comment imaginer que des personnes qui vivent souvent en dessous du seuil de pauvreté et que l’on maltraite dans leurs conditions de travail puissent à leur tour être bienveillantes auprès des personnes en situation de dépendance. Heureusement, malgré ces conditions difficiles beaucoup d’entre elles continuent leur travail avec passion et générosité. Néanmoins ce secteur est le champion toute catégorie des arrêts maladie et accidents du travail !

Un grand plan en faveur des métiers du grand âge

Agnés Busyn vient de confier à Myriam El Khomri une mission sur l’attractivité des métiers du grand âge. Espérons que cette mission n’accouchera pas d’une souris !

La reconnaissance et les possibilités d’évolution des salariés de ces secteur doivent être les pivots des changements à mettre en place pour rendre plus attractif ce secteur.

Pourquoi ne pas mettre en place une filière métier autour des publics fragiles : vieillesse, petite enfance, handicap... et faciliter les changements de mission auprès de publics différents dans une vie professionnelle.

Pourquoi ne pas intégrer l’aide à domicile dans des plateformes pluridisciplinaires (soin, assistance, hôtellerie, conciergerie, administratif, bénévolat...) afin de valoriser le travail d’aide soignante et les placer comme actrice à part entière du maintien à domicile.

Afin de favoriser les évolutions professionnelles, la formation continue doit devenir une constante dans ces métiers. S’occuper de personnes fragiles, ce n’est pas seulement apprendre des gestes, c’est comprendre les attentes de l’individu dont on s’occupe.

Et enfin, arrêtons l’exploitation abusive en terme d’horaires ou de rythmes pour que ce métier soit centré sur l’accompagnement et la bienveillance auprès des personnes âgées.

Donnons nous les moyens de nos ambitions ; redonnons des moyens et de l’estime à ceux qui sont là pour nous aider et dont nous aurons besoin un jour ou l’autre.