Michel Bampély : Ton nouvel album se nomme « Terre Promise ». Qu’évoque pour toi cette notion biblique pour un album de rap français ?
Le Patriarche : Cette notion biblique évoque la liberté, la délivrance, le fait de s'émanciper spirituellement d'un système qui, selon moi, nous tient en esclavage. C'est ce que je dénonce principalement dans mon nouvel album. La Bible déclare que "le monde entier est sous la puissance du malin", cela s'interprète, entre autres, par le fait que nous baignons ici-bas dans un mensonge sans commune mesure. Dans un titre qui figure sur l'album une phrase résume bien ceci : « Dirigés par des menteurs gare aux brebis, Loups dans la bergerie, On s'étonne qu'on est devenu dingue, nos dirigeants des tueurs en série ». Le mensonge est la langue de ceux qui dirigent ce monde. En Christ, nous connaissons la vérité qui a le pouvoir de nous rendre libre et de nous affranchir de notre condition d'hommes et de femmes loin de Dieu.
Michel Bampély : Dans le titre « Menteurs » tu dis que l’homme est en guerre contre la vérité. Ne crois-tu pas justement que les mouvements de colère des peuples s’insurgent contre les mensonges d’Etat ?
Le Patriarche : Il est manifeste que les peuples s'insurgent contre les mensonges d'Etat. Les gens n'en peuvent plus, à l'image du mouvement de contestation à Hong Kong où l'on voit d'ailleurs que face aux forces de l'ordre, les manifestants entonnent un chant chrétien, "Chante Alléluia au Seigneur". Dans « Menteurs », quand je dis que l'homme est en guerre contre la vérité, je fais allusion à Christ qui représente pour nous, Chrétiens, la vérité. Constatons aujourd'hui le sort réservé aux Chrétiens dans le monde, comment dans certaines parties du globe, on cherche à effacer toutes traces du Christianisme, comment certaines personnes sont réfractaires à l'annonce de l'Evangile. Je crois que l'homme se rebelle contre l'injustice, c'est vrai, mais il rejette en même temps Dieu, qui devient, à tort, son ennemi.
Michel Bampély : Tu attaques frontalement Emmanuel Macron dans « Pluie de mots » en rappelant qu’il a « pris des coups au nom de la Patrie ». Son image apparait dans plusieurs de vos clips. Quelle critique fais-tu de la politique gouvernementale ?
Leader Vocal « Le Patriarche » - Pluie de mots (Clip Officiel)
Le Patriarche : Dans «Pluie de mots" quand je dis « t'as pris des coups au nom de la patrie », je ne parle pas d'Emmanuel Macron, mais de tous ceux qui ont lutté pour la France et qui malheureusement sont piétinés par un gouvernement qui a la mémoire courte. Pour moi le gouvernement français pratique une politique antéchrist et Monsieur Macron et son gouvernement, à l'image de l'Europe, en sont le reflet : Une politique au service du pouvoir, de l'argent, pour un nouvel ordre mondial. Ce n'est pas une gouvernance au service du peuple français.
Michel Bampély : En France la laïcité républicaine s’oppose à toute forme de communautarisme notamment religieux. Où te situes-tu dans ce débat ? La loi religieuse est-elle toujours compatible avec la loi de la République ?
Le Patriarche : Hasard du calendrier, j'ai quitté la France quand François Hollande a pris le pouvoir. Je suis parti me réfugier en Suisse (rires). C'est donc hors du territoire français que je vis ce débat. Paradoxalement je n'ai jamais autant aimé la France et je n'ai jamais été aussi reconnaissant d'être né et d'avoir grandi dans ce pays.
La France veut vivre la liberté, l'égalité et la fraternité sans Dieu et ses valeurs. La laïcité en France telle qu'elle est défendue et imposée s'interprète par « sans Dieu ». La France est un pays laïque mais aussi une démocratie où toutes les opinions doivent être exprimées au nom de la liberté d'expression. Concernant le communautarisme religieux, l'esprit communautaire fait partie de l'église. "Eglise" veut dire "assemblée". Mais la Bible nous appelle à aller dans le monde, à nous soumettre aux autorités et à ne pas nous renfermer sur nous-mêmes. Aujourd'hui, tout montre que la manipulation de certains groupuscules religieux, y compris ceux se revendiquent du Christianisme, servent des intérêts qui ne sont ni religieux ni spirituels et qui sont incompatibles avec la République.
Michel Bampély : Le groupe Leader Vocal s’est mobilisé pour les Chrétiens persécutés d’Orient. Comment expliques-tu l’abandon des nouvelles générations dans le rap pour l’engagement social ou politique ?
Leader Vocal « Le Patriarche » - Dja Tchiga Hora (ft. Carlos G. Lopes x Felipe Brito) . Dja Tchiga Hora » en créole capverdien signifie : « L’heure est venue » ! Dans ce morceau, « le Patriarche », du groupe Leader Vocal établi à Neuchâtel qui est en featuring avec « Carlos G. Lopes » un artiste capverdien très actif sur la scène world music, ainsi que « Felipe Brito » un Mc très suivi au Brésil, nous interpellent sur le fait de se mettre à l’heure de Dieu car les jours sont mauvais. Dans un état d’esprit festif, ces trois artistes se rejoignent sur un rythme Funk Do Brasil. A noter la participation dans les chœurs de Cathy Renoir, célèbre choriste qui a chanté pour Sting, Johnny Clegg, Alpha Blondy, Manu Dibango, Ismaël Lô pour ne citer qu’eux...
Le Patriarche : Je suis mobilisé contre la persécution des Chrétiens à travers le monde, car malheureusement les Chrétiens d'Orient ne sont pas les seuls à être persécutés. La Corée du Nord est, depuis de trop nombreuses années, le pays où les Chrétiens sont le plus persécutés au monde. L'abandon des nouvelles générations, dans le rap, pour l'engagement social, politique, est à l'image de notre société capitaliste : un grand nombre d'acteurs de la scène rap sont des purs produits de ce système et produisent donc un rap égoïste, égocentrique, où la culture du "moi" prévaut sur la misère qui nous entoure.
Michel Bampély : Tu déplores l’enseignement à la lettre d’un islam rigoriste. N’est-ce pas ce qu’on reproche également à certains courants protestants évangéliques ?
Le Patriarche : Il y a des malades partout, certains se disent évangéliques. Quand on tord le sens des écritures, l'interprétation tue l'enseignement. C'est valable pour l'Islam comme pour le Christianisme. Avant de lire la lettre, il est important d'en connaître l'auteur. Les gens se fient à ce qu'ils croient comprendre de loin. La religion a, par exemple, longtemps donné l'image d'un Dieu sévère, pourtant ce n'est pas l'image que donne la Bible du cœur du Père.
Michel Bampély : Comment expliques-tu dans le monde l’alliance entre les mouvements évangéliques et les mouvances d’extrême-droite ?
Le Patriarche : La question est de savoir de qui on parle : D'authentiques Chrétiens, où de personnes qui prétendent l'être ? Ce n'est pas valable partout et ça touche que les Chrétiens évangéliques qui ont oublié de déposer à la Croix, le racisme et toutes les valeurs antichrétiennes chères à l'extrême-droite. Certains de ces groupes évangéliques sont politisés à leur insu. Si on prend l'exemple des États-Unis ou du Brésil, les Chrétiens évangéliques représentent là-bas un réservoir de vote conséquent. D'autres sont dans l'utopie de croire que certains partis au pouvoir aideront à la défense de certaines valeurs chrétiennes, mais au détriment de quoi ? La politique utilise les mouvements évangéliques pour arriver à ses fins, comme on l'a vu avec l'élection de Donald Trump aux États-Unis. On est loin de l'époque d'Esther, Daniel ou Joseph, personnages emblématiques de la Bible qui ont eu une réelle influence sur le peuple de Dieu, aux côtés de dirigeants du monde, mais sans jamais se compromettre.