Avant le train c’était simple...
Je me souviens d’un temps où il était possible de monter dans un train à la dernière minute, de prendre un billet pas cher en sachant à l’avance quel était le prix du ticket...Lorsque on était dans le train, même les jours de grands départs, on pouvait voyager, pas forcément en ayant une place assise, mais parfois debout, sur un soufflet entre 2 wagons... (Pour ceux qui ne sont pas de mon âge, le soufflet était l’espace qui reliait 2 wagons avec des plaques en métal au sol qui se chevauchaient)
Quand on avait quelques francs on pouvait même se payer le luxe d’aller dans le wagon restaurant qui permettait de choisir son entrée, son plat, son dessert et de le déguster à table, comme au restaurant tout en voyant défiler le paysage.
Au départ, les personnes âgées, accompagnées par leurs familles , pouvaient se faire aider ; on montait sans problème dans les wagons pour les aider à déposer leurs bagages.
Puis le TGV est arrivé...
Le progrès ! La vitesse ! Les records ! L’image de la France à grande vitesse qui allait inonder de sa technologie le monde entier. Nous étions tous abasourdis par ces compteurs de vitesse que l’on nous présentait dans les journaux télévisés et ces trains qui filaient pour nous faire gagner encore plus de temps.
Bien sûr, on nous a prévenus que les réservations devenaient obligatoires. Ce ne sont plus des bétaillères ! Chaque passager doit être assis ; tout juste si pour des raisons de sécurité on ne nous a pas proposé de boucler notre ceinture de sécurité... Le Paris-Lyon faisait gagner 2 heures à tous les cadres encostumés qui pouvaient, oh merveille, faire l’aller retour et boucler leur réunion «stratégique»dans la journée ! Bien sûr les prix ont augmenté....
Le marketing a fait aussi son arrivée tonitruante. Quoi ? Vendre un billet à prix fixe pour monter dans ce bijou technologique ? Non, on va faire plus moderne : en fonction du moment, de l’endroit, du nombre de passagers, de la récession des équinoxes et du cours des noyaux de cerise, notre super logiciel de tarification va , oh surprise, vous donner votre tarif spécial, rien que pour vous !
Mais nous restions fascinés par cette suprématie bien française qui faisait que nous allions bien plus vite que tous les autres péquenots de l’Europe entière ! Bien sûr, vu la nécessité de créer des lignes à grande vitesse, vu le coût des investissements, la SNCF nous a expliqué que ce n’était plus trop son rôle de s’occuper des lignes secondaires. A elle la marche en avant du progrès triomphant, aux régions à prendre en charge ces tortillards d’un autre siècle. Grâce à la SNCF, ALSTHOM allait pouvoir vendre nos rames TGV dans le monde entier : ça valait bien un petit effort (on connaît le succès de l’exportation de notre technologie)...
Puis la nouvelle responsable commerciale est arrivée...
Cet été, oh surprise, on supprime des centaines de guichets de vente de billets, on transforme la gare du Nord en un immense centre commercial, l’accès au TGV est contrôlé soit par des portillons soit par des hôtes d’embarquement pour empêcher le passage de toute personne n’ayant pas un billet valide, les billets sont obligatoirement nominatifs...
Ben voui... maintenant le train c’est comme l’avion. La nouvelle directrice commerciale rêve de gares sans guichets (c’est vulgaire), avec de beaux centres commerciaux par lesquels nous serons obligés de passer (ça rapporte), avec une reconnaissance faciale des clients pour pouvoir mieux les identifier (c’est plus sûr) et leur envoyer pendant leur voyage les pubs adaptées à leur profil... Merveilleux !
Il y a bien quelques rétrogrades qui vont râler.
Je peux acheter un billet en gare ? réponse : Internet ce n’est pas fait pour les chiens ! Vous n’avez pas internet ? Partez tout de suite en EHPAD !
Je peux monter pour aider ma grand mère à placer ses bagages et à trouver sa place ? réponse : Comment ça, les vieux voyagent encore?
Je peux voyager de façon anonyme ? réponse: Vous avez quelque chose à vous reprocher ?
Quand j’arrive à Bordeaux comment je fais pour ma correspondance vers Lesparre-Médoc ? réponse : Débrouillez-vous avec votre conseil régional !
La politique élitiste du tout TGV de la SNCF, exclut la notion de service public
Service public ? C’était avant de libérer les énergies entrepreneuriales de la SNCF...
Ainsi, en quelques dizaines d’années, le train est passé d’un moyen de transport accessible à tous et à tout moment, à une machine à faire du cash (il faut bien rembourser la dette abyssale de plus de 53 milliards) ; destiné avant tout aux entreprises qui veulent que leurs cadres ne perdent pas une heure dans les transports.
Et pour les voyageurs comme vous et moi, la débrouille ! L’enfer des tarifs incompréhensibles, des TGV à réduction (OUIOUI et compagnie), des gares de départ en banlieue à prix réduit, et sinon des billets à des prix inaccessibles pour les moins fortunés.
Le comble : les 2 heures que vous aurez gagnées pendant votre voyage, vous les aurez perdues à attendre derrière un guichet complètement saturé.
Votre carte de réduction, ne fonctionnera pas forcément sur les liaisons inter-cités ou TER qui ne semblent plus du tout faire partie du réseau SNCF.
Mais vous aurez tout loisir avant de vous embarquer de vous acheter une montre dernier cri, de prendre quelques sushis ou de louer une trottinette électrique. C’est ça le nouveau service client : faire du cash !
Gagner quelques heures dans un voyage valait-il la peine de faire de la SNCF une machine folle qui ne sait plus comment rembourser sa dette et qui ne pense plus aux pauvres voyageurs que nous sommes : parfois avec de faibles revenus, parfois malhabiles pour utiliser des machines ou des ordinateurs, et pas forcément pressés d’arriver à destination...
Au fait, avec quel argent s’est construite la SNCF ? Et la dette, un de ces jours, qui va la payer ?
Vous avez dit concurrence ?
Désolé pour ce billet d’humeur qui ne rentre pas du tout dans la ligne éditoriale de mon blog, mais quoique...