Tribune. Tous les deux jours, un nouveau milliardaire apparaît sur notre planète qui voit la moitié de sa population survivre avec moins de 6 dollars par jour. Des frais de scolarité ou des dépenses de santé imprévues suffisent à faire basculer cette moitié du monde dans l'extrême pauvreté.
Alors que plus de la moitié de la richesse mondiale est entre les mains de personnes vivant dans les pays du G7, en France, les milliardaires se portent particulièrement bien. Ainsi, depuis le début de l’année 2019, les 14 Français qui apparaissent dans l’index des milliardaires de Bloomberg ont vu leur richesse globale augmenter de 78 milliards de dollars. Pas de quoi se réjouir autour d’un déjeuner.
Poussée à l’extrême, cette incroyable richesse ne permet pas seulement aux ultrariches de s’offrir des gadgets, une éducation de qualité ou d’excellents services de santé. Elle leur permet d’acheter du pouvoir, des privilèges et l’impunité. Elle leur donne la main sur la «vérité», le néolibéralisme qui est le dogme du système économique et des politiques publiques. Cette incroyable richesse a permis aux ultrariches de construire une énorme machine capable d’extraire encore plus de richesses et de pouvoir d’un côté, et de déverser fiel et pollutions de l’autre, engendrant la pauvreté, la faim, les conflits, le sexisme, les divisions, l’intolérance et l’effondrement écologique.
Disons-le franchement, nous pouvons nommer cette machine «le G7». Le G7 donne vie aux inégalités mondiales, selon nous, autant que la Nasa donne vie à l’exploration spatiale. Il en est l’instigateur.
Schéma dysfonctionnel
Les pays du G7 ont imposé un système économique injuste devant tout autre système. Ils ont donné aux multinationales et aux ultrariches les clés des pouvoirs politiques et législatifs. Ceux qui bénéficient des mesures fiscales favorables sont naturellement ceux qui sont au cœur de leur affaiblissement, cela même si ce sont les services publics qui doivent ensuite en pâtir. Pour les plus pauvres, ce «schéma dysfonctionnel» a de nombreuses répercussions.
Le président Trump, qui accueillera le G7 l’année prochaine, et le président Emmanuel Macron ont tous les deux remporté des élections avec le soutien financier des grandes entreprises et des plus fortunés. En échange, des baisses d’impôts ont été consenties à ces derniers, qui furent présentées aux classes populaires comme un «nouveau monde» et une promesse de croissance. Rien de cela n’a eu lieu, notamment parce que la plupart des entreprises ont utilisé leurs nouveaux gains pour acheter massivement des actions, et les ultrariches pour augmenter un peu plus encore leurs fortunes.
Le «ruissellement» vers l’économie réelle n’a pas eu lieu. Pire encore, les multinationales continuent d’exploiter les pays pauvres, engrangeant des richesses et minimisant leurs responsabilités fiscales.
Alors que les dirigeants du G7 se dirigent vers Biarritz, la lutte contre les inégalités est au cœur de l’agenda de ce sommet. Néanmoins, le gouvernement français a manqué l’occasion de consulter et d’associer la société civile de façon constructive. De fait, les associations sont censurées. Les réunions ministérielles préparatoires au sommet se sont révélées ternes. Et nous sommes sceptiques quant aux résultats à attendre de ce sommet de Biarritz.
Dans ce contexte, Oxfam refuse de s’asseoir à la table du président Macron pour déjeuner à l’Elysée et faire semblant que la société civile a été consultée entre les petits fours et le dessert. Depuis des mois, nous avons transmis nos idées pour que ce G7 contribue réellement à la lutte contre les inégalités. Le temps des discours est terminé. Il est plus que temps que le G7 agisse.
Bon sens
Le G7 doit réinventer une économie «humaine» mondiale, une économie qui protège les peuples et leur offre des opportunités et la sécurité, une économie durable sur le plan écologique. Pas celle qui exige la croissance économique avant tout. Le G7 pourrait commencer par s’assurer que les personnes et les sociétés les plus riches paient leur juste part d’impôt et l’investissent dans les services sociaux tels que la santé et l’éducation, et dans la lutte contre le changement climatique. Demander aux entreprises de publier les données sur les inégalités salariales, y compris l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes et les ratios salariaux entre dirigeants et salariés dans tous les pays où elles exercent leurs activités, serait une première mesure forte. Parce qu’il est nécessaire de mesurer un problème pour pouvoir y faire face, ce serait un premier pas vers un modèle économique plus juste, dans lequel la richesse et le pouvoir seraient mieux répartis entre les actionnaires et les travailleurs.
Pour lutter contre les inégalités entre les sexes, il faut impérativement s’attaquer aux pouvoirs économiques, sociaux et politiques qui maintiennent les femmes et les filles dans une situation de déséquilibre. Par exemple en établissant un revenu minimum suffisant pour vivre dignement, en prenant les mesures nécessaires pour améliorer les revenus et la place des femmes dans la société, et en investissant dans des services de garde d’enfants abordables et de qualité.
Ces idées ne sont pas extrêmes. C’est du bon sens. Un monde dans lequel les 1% les plus riches possèdent plus que les 99% restants n’a pas d’avenir. Le temps d’aller dîner est terminé.