Chacun sa petite manie, le nouveau directeur général de BFM TV, Marc-Olivier Fogiel, aime bien les présidents. Et les premières dames. Quelques semaines plus tôt, alors sur RTL, il avait interviewé Brigitte Macron. Qui s'était confiée à cœur ouvert (c'est la «griffe» Fogiel). «Etre un couple, c'est compliqué. C'est une lutte de chaque instant.» Mais encore ? «J'ai profondément confiance en lui. On est là, l'un pour l'autre sans arrêt, 24 sur 24. Nous sommes totalement fusionnels. On a des choses à se dire, parfois pas aimables. On est un couple assez musclé. On se dit les choses.» Evidemment, on soupçonne un lien. Fogiel ne devrait-il pas sa mirifique nomination à cette amitié ? Notons que ce type de parcours est une habitude française. L'ex-PDG de France Télévisions Patrick de Carolis avait dû son fauteuil à sa proximité avec Bernadette Chirac, avec qui il venait de réaliser un livre d'entretiens.
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Pourquoi le groupe Altice (propriétaire de BFM, et de Libération) aurait-il nommé un proche de Brigitte Macron ? Parce qu'il a besoin de ménager l'Etat en général, et dans le cadre de la guerre des boutons en particulier. Enfin, de la guerre du bouton. Vous n'avez pas entendu parler de la guerre du bouton 14 ? C'est sauvage. BFM occupe le bouton 15 des télécommandes. Le bouton 14 vient de se libérer. A qui va-t-il être attribué ? S'il est par malheur attribué à la concurrente LCI, BFM est cuite. Le téléspectateur de BFM va risquer de tomber par hasard sur LCI, et qui sait si LCI le relâchera un jour ? Si jamais il allait préférer les éditos de Jean-Michel Aphatie à ceux de Christophe Barbier ? Angoisse.
Ne croyons cependant pas que toutes ces amitiés soient cachées. On est modernes, on est nouveau monde. Bombardé directeur de BFM, et interrogé sur sa proximité avec le pouvoir, Marc-Olivier Fogiel répond à cœur ouvert. «Je ne me vois absolument pas comme le facilitateur des liens entre BFM TV et l'Elysée ! J'ai une relation fluide avec le couple Macron : si elle peut me servir pour garantir l'indépendance de la chaîne et dire les choses clairement, je m'en servirai.»
On lit et on relit. C'est donc sur la fluidité de sa relation avec le couple que compte Fogiel pour «garantir l'indépendance de la chaîne». Par exemple, en cas de nouveau rebondissement important de l'affaire Benalla, il expliquera avec fluidité à ses amis Macron que la chaîne doit bien y consacrer une enquête de temps en temps. Ce dont le couple Macron conviendra fluidement. C'est beau, la fluidité. Sur le refus du mélange des genres, cependant, Fogiel sera implacable. «Si par exemple, poursuit-il, Brigitte Macron souhaitait venir à la condition que ce soit moi qui l'interroge, je dirais non. Ce n'est plus mon job. En revanche, je mettrais mon énergie pour qu'elle vienne et soit interrogée par une star de l'antenne.» Fogiel fera donc cette proposition fluide à «une star de l'antenne». Laquelle star acceptera l'aubaine avec une égale fluidité. Et bombardera la première dame de questions fluides. Farouchement indépendant du pouvoir, Fogiel le sera tout autant de son actionnaire. Justement, voici une occasion de le prouver.
La rentrée du PAF est marquée par une lutte de titans entre le mogul Drahi et le mogul Niel. En gros, Xavier Niel (patron de Free) ne veut pas payer Patrick Drahi (patron de SFR) pour continuer à diffuser BFM sur les Freebox. Guerre de communiqués. Comment BFM va-t-elle traiter l'affaire ? demande à Fogiel Sonia Devillers, animatrice de l'émission médias de France Inter, l'Instant M. «De façon totalement indépendante, hier des sujets ont été faits sur la problématique sans évidemment que personne ne tienne la main aux journalistes.» C'est vrai. C'est certainement «sans que personne ne tienne la main aux journalistes», que le communiqué de SFR a été lu toutes les heures à l'antenne, et que le PDG de SFR, Alain Weill, a été invité à venir étaler sa désolation sur les plateaux de BFM TV et de RMC (radio du même groupe). La fluidité règne. Avec l'animatrice de France Inter, on s'amuse, on badine à cœur ouvert… Et à propos, comment vont les rapports avec les Macron ? Couci-couça. «On échange professionnellement, voilà.» N'allez pas vous imaginer une relation fusionnelle. «J'ai été plus proche professionnellement d'autres présidents.» Allons, allons Marco, ça va s'arranger.