Questions à Faly Andriantsietena-Bouchez, doctorante en histoire à l'Université Paris Diderot (CESSMA) et spécialiste de l'histoire des loisirs à Madagascar.
Que peut nous apprendre l’étude des loisirs des jeunes de Madagascar entre les années 1950-1970 ?
Au sein de la moyenne et de la petite bourgeoisie, en plus des parents, c'est surtout l'Église qui s'occupe des jeunes aussi bien dans la religion que dans l'éducation. Les chemins sont ainsi balisés, même si les conflits entre générations restent courants. Cependant, à partir des années 1960, l'influence des Églises commencera à décliner avec la croissance des pratiques de loisirs. En effet, les loisirs des jeunes devaient être liés à la vie de l'Église : le jeudi après-midi est occupé par les activités de scoutisme, le dimanche est consacré à l'« école du dimanche » (catéchisme) alors que les jeunes rêvaient de faire autre chose. Souvent après l'école, au lieu de se rendre à l'aumônerie catholique les jeunes très nombreux auraient souhaité écouter la radio. Le dimanche, c'est le culte obligatoire le matin, et l'après-midi, ils doivent suivre des réunions ou des conférences organisées par l'Église. Les parents approuvent ces loisirs, qu'ils soutiennent financièrement. Les jeunes protestants qui fréquentent de préférence des écoles confessionnelles comme l'école Paul Minault, apprécient les jeux dans leurs quartiers. Ils s'y adonnent avec des jouets fabriqués à la main, copiés pour la plupart sur les jouets des Français : des kalesy (calèche), un jeu de conduite de pneu, le zoera, (un jeu où des équipes de joueurs de football s'affrontent). On pratique le football, ainsi que la pêche, ou on vadrouille en bande à la périphérie de la ville encore très boisée. Plus tard, lorsque le lycée Gallieni ouvre ses portes à d'autres élèves que les enfants de riches, des jeunes gens de cette classe intermédiaire s'installent sur des murets et jouent de la guitare en groupe. En famille, ils assistent également à des galas de chants ou des spectacles en malgache au Théâtre de Verdure à Antsahamanitra. Cet endroit est un haut lieu des loisirs des jeunes tananariviens parce qu'il est à la fois le siège du Foyer chrétien des jeunes gens mais aussi des scouts unionistes, les Tily. Ces jeunes gens écoutent autant qu'ils le peuvent la radio, discutent de ce qu'ils ont entendu, vont à des surprises-parties ou au cinéma à l'insu des parents, lisent les journaux et les livres, font du sport soit à l'école, soit auprès des associations sportives qui sont très nombreuses dans la capitale, enfin soit avec des jeunes du quartier.
Que nous révèlent ces loisirs pour la fin de la période coloniale ?
A la fin de la période coloniale c'est-à-dire les années 1950, sur le plan politique, on se prépare à l'indépendance, mais la France tient à préserver son influence et les dirigeants qu'elle a fortement contribué à mettre en place adoptent ce point de vue. Cette préoccupation va toucher le champ des loisirs. En effet, si les loisirs qui existaient avant la conquête coloniale se maintiennent bien, ce sont surtout les loisirs occidentaux que les Français cherchent à promouvoir. Si on prend par exemple l'écoute de la radio, à partir du moment où la première chaîne malgache est inaugurée en 1950, la musique, les chansons et les romans radiophoniques français tiennent une place importante sur les ondes. Radios, disques et les électrophones, quoique coûteux, entrent rapidement dans le mode de loisirs des jeunes. Des sondages effectués auprès des jeunes urbains montrent que l'écoute de la radio devance tout autre loisir car elle exerce une grande attirance sur les jeunes. Quelques années plus tard, en 1960 la Radio-Tananarive change de nom et devient la Radiodiffusion de Madagascar. Les émissions en malgache jusque-là au second plan envers celles en français occupent désormais la première place avec des émissions qui s'adressent spécifiquement aux Malgaches conçues parune équipe de journalistes malgaches formés en France mais dont l'identité culturelle reste forte.
Ces loisirs conduisent-ils à une maturation politique qui mèneront à une 2eme indépendance en 1972 ?
Voir les posts sur le rugby malgache ici et là. Un autre post sur le jeu du fanorona aussi.
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