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Blog «Ma lumière rouge»

Macron et les putes: faites ce que je dis, pas ce que je fais

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Un discours en contradiction avec les actes
publié le 12 octobre 2019 à 18h43
(mis à jour le 12 octobre 2019 à 18h50)

Jeudi 10 octobre, lors de la conférence du Fonds Mondial à Lyon, le président Macron tenait un discours appelant à ne pas discriminer les populations clés concernées par les épidémies de VIH, tuberculose et paludisme.

On pourrait saluer le fait que l’homme politique le plus puissant de France utilise enfin la bonne terminologie de «travailleuses du sexe», mais c’est un exercice auquel les politiques se prêtent uniquement en ce qui concerne la lutte contre le sida et qu’ils et elles oublient aussitôt.

Depuis son élection, monsieur Macron n'a en réalité rien fait pour lutter contre les discriminations faites aux travailleurSEs du sexe, bien au contraire. L'évaluation de la loi de pénalisation des clients prévue pour avril 2018 est toujours attendue. Les conséquences de cette loi sont catastrophiques en matière de contaminations au VIH & IST, mais aussi concernant l'augmentation des violences et de l'exploitation, dont la traite des êtres humains.

La France n'a toujours pas de surveillance épidémiologique sérieuse en ce qui concerne le VIH chez les travailleurSEs du sexe. Le droit au séjour pour soins est remis en cause et de nombreuses travailleuses du sexe séropositives se retrouvent expulsables vers des pays où la qualité des traitements et les discriminations sont telles que l'accès aux soins ne peut pas être garanti.

Les associations de santé communautaire par et pour les travailleuses du sexe voient leur budget et subventions de plus en plus diminuer au prétexte qu’elles ne soutiennent pas l’idéologie abolitionniste et la «sortie de la prostitution» comme objectif principal.

La lutte contre le sida ne peut pourtant être qu’en totale contradiction avec l’idéologie abolitionniste puisque ses principes reposent sur le non-jugement des personnes et de leurs comportements sexuels, le respect de l’autodétermination et du libre arbitre, la reconnaissance de l’expertise des personnes concernées, la distribution des messages et outils de prévention et la réduction des risques plutôt que les approches morales et répressives visant à l’abstinence, la lutte contre la stigmatisation et contre la pénalisation des personnes séropositives et issues des populations clés.

La pénalisation des clients est rejetée par toute la lutte contre le sida, l’Organisation Mondiale de la Santé, l’ONUSIDA, etc. Or, la France préfère faire la promotion de ce modèle dans sa diplomatie internationale en partenariat avec le gouvernement suédois.

Y compris en ce qui concerne la pornographie, le président Macron expliquait en novembre 2017 qu'il voulait « étendre les pouvoirs de régulation du Conseil supérieur de l'Audiovisuel (CSA) » afin d'exercer ce « contrôle indispensable sur tous les contenus qui peuvent conduire à la violence contre les femmes ». Un projet de loi est toujours en préparation pour limiter l'accès au porno sur Internet sur le modèle de la législation britannique, d'ailleurs très critiquée pour son inefficacité et ses entraves au droit à la vie privée.

Aucun homme politique avant lui en France n’avait fait de lien de causalité entre la pornographie et la violence faite aux femmes, et ce sans qu’aucune preuve scientifique ne puisse corroborer cette hypothèse. Comment peut il prétendre ensuite vouloir lutter contre les discriminations alors qu’il tient lui même des discours ultra stigmatisants sur le travail du sexe?

Nous ne pouvons que constater que le président raconte tout et son contraire selon l'auditoire qu'il a en face de lui, or les actions parlent plus que les mots, et jusqu'à présent, le bilan de son mandat est plus que négatif. Des travailleuses du sexe sont assassinées sans que cela ne suscite aucune réaction de sa part ni aucune volonté de changement de la politique menée.